1 Fiscalité : pour un vrai débat !

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Difficile d’engager un grand débat national destiné à répondre aux préoccupations issues du mouvement des gilets jaunes sans mettre sur la table la question fiscale. La révolte est partie de la contestation d’une taxe. On discute beaucoup ISF et TVA sur les ronds-points et les premiers retours des cahiers de doléances proposés par les mairies le confirment : les Français veulent parler de leurs impôts.

Des questions biaisées

Pour que cela soit effectivement le cas, il faudra que les organisateurs des échanges sur le sujet commencent par s’abstenir de se référer au cadrage proposé par le gouvernement. En effet, la très grande majorité des questions suggérées ne vise qu’à faire préciser les conditions dans lesquelles il faut réduire les prélèvements obligatoires - impôts et cotisations sociales - et les dépenses publiques !

Pire, elles sont orientées de telle sorte que l’on peut déjà révéler les conclusions de la consultation : les Français veulent, individuellement, moins de prélèvements, donc il faut moins de dépenses publiques. Grand prince, le gouvernement demande juste où il faut couper en priorité, dans le budget de l’Etat, des collectivités locales ou de la protection sociale. Et, dans ce dernier cas, ce que les Français préfèrent. Tailler dans les retraites, augmenter le temps de travail ou réduire les conditions d’attribution des aides sociales ?

Justice et efficacité

Si l’on souhaite un vrai débat, il faut se centrer sur la question 2 du gouvernement : "Que faudrait-il faire pour rendre la fiscalité plus juste et plus efficace ?" Parlons justice fiscale. Les ménages paient 60 % des prélèvements obligatoires, les entreprises le reste. Pourtant, elles profitent autant, directement ou via leurs salariés, des dépenses publiques. Faut-il rééquilibrer la donne ? Les plus riches ont vu leurs impôts diminuer depuis le début des années 2000 et encore plus depuis 2017, est-ce juste ? Les grandes entreprises et les ménages les plus aisés recourent massivement aux stratégies d’évitement de l’impôt, peut-on limiter ces comportements ?

Taux d’imposition en 2018 (en %) et recettes sur la taxation des bénéfices en 2016 (en % du PIB)

Côté efficacité, quel est le plus performant en matière de patrimoine : taxer plutôt sa détention, sa transmission, les deux, aucun ? Faut-il que tous les Français paient l’impôt sur le revenu, même de manière symbolique pour les moins fortunés ? La protection sociale doit-elle être financée par des cotisations sur les salaires ou bien plus généralement par des impôts ? L’Hexagone affiche un taux d’imposition des profits des sociétés parmi les plus élevés des pays développés et des recettes liées à cet impôt parmi les plus faibles : est-ce optimal ? Comment inciter fiscalement à la transition écologique sans pénaliser les plus bas revenus ?

Il n’est aucune réponse évidente à toutes ces questions. C’est bien pourquoi elles mériteraient d’être mises sur la table, argumentées et débattues, et difficile de dire à l’avance ce qu’il en sortirait, c’est le principe d’un débat. L’impôt, on le répète assez souvent, représente l’un des piliers de la démocratie. Le gouvernement nous a donné deux mois pour la faire vivre. Il faut s’en saisir, en sortant du cadre étroit dans lequel il cherche à nous enfermer, pour que s’exprime toute la diversité des opinions fiscales.

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