Inégalités

Bientôt plus de femmes aux postes de direction en Allemagne

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Les partis de la coalition se sont accordés en novembre sur une politique de quotas obligatoires de femmes dans les comités exécutifs. La loi est attendue pour début 2021. Un nouveau pas historique pour l’Allemagne.

Les membres du gouvernement fédéral, en novembre 2019. Les ministres de la Justice et de la Famille, Christine Lambrecht et Franziska Giffey, (troisième et quatrième au deuxième rang en partant de la gauche) ont réussi à ce qu'un projet de loi sur l’imposition d’un quota de femmes dans les directions d’entreprises soit déposé début 2020. PHOTO : Monika Skolimowska/ZUMA Press/ZUMA/REA

« Changement d’époque : les femmes membres de la direction des entreprises du DAX gagnent plus que leurs collègues ! », titrait à la mi-novembre le magazine économique allemand Manager Magazin en se basant sur une étude du cabinet EY montrant que les femmes membres des comités d’entreprise des sociétés allemandes cotées en Bourse (DAX, MDAX, SDAX) gagnent en moyenne 30 000 euros par an de plus que leurs homologues masculins.

Mais outre-Rhin, la réalité c’est aussi qu’aucune femme ne dirige une entreprise du DAX et que seulement 15 % des postes de direction des 160 entreprises visées sont occupés par des femmes. Cette proportion s’abaisse à…

 

« Changement d’époque : les femmes membres de la direction des entreprises du DAX gagnent plus que leurs collègues ! », titrait à la mi-novembre le magazine économique allemand Manager Magazin en se basant sur une étude du cabinet EY montrant que les femmes membres des comités d’entreprise des sociétés allemandes cotées en Bourse (DAX, MDAX, SDAX) gagnent en moyenne 30 000 euros par an de plus que leurs homologues masculins.

Mais outre-Rhin, la réalité c’est aussi qu’aucune femme ne dirige une entreprise du DAX et que seulement 15 % des postes de direction des 160 entreprises visées sont occupés par des femmes. Cette proportion s’abaisse à 9,3 % en 2019 pour l’ensemble de l’économie (6,3 % en 2015).

Enfin, la différence des rémunérations femme-homme, le fameux « gender pay gap », est de 20 % en faveur des hommes en Allemagne, l’un des plus importants d’Europe (15,5 % en France).

Nécessaire régulation

« La situation n’a pas beaucoup évolué depuis vingt ans. Cela ne marchera pas sans régulation. Le législateur est responsable pour l’ensemble de la population et la moitié de celle-ci est composée de femmes », a déclaré il y a peu Janina Kugel, directrice du personnel de Siemens de 2015 à 2020.

Imposer des quotas de femmes à la tête des entreprises ? Cette option a longtemps été freinée par le monde de l’économie, le parti libéral et le gros des troupes conservatrices. « Pour moi, imposer un quota de femmes, ce serait comme mettre mon entreprise sous tutelle », lançait le président de la Fédération allemande des entreprises familiales Reinhold von Eben-Worlée en 2019.

La chancelière, elle-même entrée dans un gouvernement parce qu’il fallait bien y placer une femme venue de l’ex-RDA, n’a jamais été ni vraiment contre, ni vraiment pour les quotas. En revanche, Ursula von der Leyen, sa ministre de la Famille et de la Femme, puis de l’Emploi, aujourd’hui président de la Commission européenne, s’est âprement battue contre son propre camp en faveur de cette idée.

Il a cependant fallu attendre la deuxième grande coalition d’Angela Merkel et l’alliance avec le SPD pour qu’une première victoire soit enregistrée. En mars 2015, le Bundestag a voté une loi imposant des quotas de femmes dans les conseils de surveillance des grandes entreprises.

Depuis le 1er janvier 2016, les conseils de surveillance des entreprises du DAX et des grandes entreprises cogérées doivent accueillir 30 % de femmes

Depuis le 1er janvier 2016, les conseils de surveillance des entreprises du DAX et des grandes entreprises cogérées doivent ainsi accueillir 30 % de femmes. Et si le quota n’est pas atteint, les sièges attribués aux femmes resteront inoccupés. Cette mesure ne concerne cependant que 108 entreprises. Pour 3 500 autres structures de plus petite taille, cotées en Bourse et/ou soumises aux lois de la cogestion, la règle était plus souple puisqu’elles ont fixé leur quota elles-mêmes.

Cinq ans plus tard, 35,2 % des membres de conseils de surveillance des entreprises concernées par la loi (19,9 % pour les autres) sont des femmes. Personne n’a fait du zèle, mais on note une évolution réelle.

Par ailleurs, la présence de femmes dans les directions d’entreprises est un critère de plus en plus considéré par les agences de notations, les fonds d’investissement, mais aussi par la société tout entière.

Signal exemplaire

C’est à nouveau sous l’impulsion des sociaux-démocrates et des ministres de la Justice et de la Famille, Christine Lambrecht et Franziska Giffey, qu’un projet de loi sur l’imposition d’un quota de femmes dans les directions d’entreprises a été déposé début 2020. Avec une riposte immédiate : « Des quotas représenteraient une remise en cause sérieuse de la liberté d’entreprendre », a rétorqué le porte-parole de la CDU pour les questions juridiques Jan-Marco Luczak.

Les entreprises cotées en Bourse et celles soumises aux lois de la cogestion, ainsi que les grandes entreprises contrôlées par l’Etat, seront obligées d’installer au moins 30 % de femmes à leur tête, à partir d’une direction de trois membres

Mais les temps ont changé et, même au sein du camp conservateur, le vent a tourné : « Nous comptons autant de femmes que d’hommes hautement qualifiés. Il est temps de lancer un signal exemplaire à l’adresse des nombreuses jeunes femmes de notre pays », a déclaré par exemple le chef des conservateurs bavarois Markus Söder début novembre.

Le vendredi 20 novembre, un compromis a enfin été trouvé sur le sujet entre les partis de la coalition. Celui-ci sera présenté sous forme de projet de loi lors du conseil des ministres du 6 janvier prochain.

Il prévoit que les grandes entreprises cotées en Bourse et celles soumises aux lois de la cogestion, ainsi que les grandes entreprises contrôlées par l’Etat, soient obligées d’installer au moins 30 % de femmes à leur tête, à partir d’une direction de trois membres. Aucune date butoir n’a été fixée pour l’application des mesures. Le quota sera tout simplement appliqué lors du renouvellement des postes.

En dépit des cris des opposants éternels, Nicole Voigt, directrice exécutive chez Boston Consulting Group Allemagne, estime que la mise en œuvre ne devrait pas poser de problème majeur. Selon elle, la part des femmes dans les premiers et seconds niveaux de management sous la direction est respectivement de 19 %, et de 23 %. Ces niveaux étant considérés comme l’antichambre préparatoire aux fonctions de directions, « il y a suffisamment de femmes pour prendre la relève dans les top-jobs », affirme-t-elle.

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