Opinion

Il n’y a pas de boucle prix-salaire

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Christian Chavagneux Editorialiste

Une menace plane sur l’économie française et européenne : la boucle prix-salaire. C’est ce que répètent à l’envi les experts sur les plateaux télé. On en connaît le mécanisme : l’ouverture d’une longue période durant laquelle prix et salaires montent de concert et s’auto entretiennent.

L’année 2022 y est particulièrement propice : depuis l’an dernier, le retour d’une inflation élevée, de tensions sur le marché du travail et d’une hausse progressive des salaires nominaux semblent rassembler le cocktail idéal pour le déclenchement de la boucle tant redoutée.

C’est donc avec un intérêt tout particulier et fébrile que l’on se penche sur le chapitre que vient tout juste de consacrer au sujet le Fonds monétaire international (FMI) dans son dernier World Economic Outlook. On sort rasséréné de sa conclusion : il n’y a pas de boucle prix-salaire. Entendons-nous bien : non seulement il n’y a pas de boucle prix-salaire en ce moment mais, à en croire le FMI, il n’y en a jamais eu !

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Ses experts ont retrouvé 22 situations économiques historiques comparables à la nôtre actuellement. Mises à part deux-trois épisodes exceptionnels, ils ne trouvent pas de démarrage de la boucle maudite. Et quand il semblerait qu’elle commence à se produire dans ces quelques cas, elle ne dure pas.

Lorsqu’il y a des tensions sur le marché du travail et une montée rapide des prix pour des causes exogènes, les salaires nominaux augmentent mais jamais au même rythme que les prix, conclut plutôt le FMI. En fait, les salariés subissent une partie du choc en voyant leur salaire réel diminuer.

Les Européens pensent que l’inflation va largement ralentir dans les mois qui viennent au point qu’elle sera divisée par deux dans un an

Dès que l’inflation finit par se calmer, les salaires nominaux ont tendance à continuer à progresser et les salaires réels à se stabiliser. Voilà la bonne nouvelle et de quoi calmer les inquiétudes de celles et ceux qui demandent par principe aux entreprises, y compris donc à celles qui en auraient les moyens, de ne rien céder sur les salaires.

Calmer les faucons de la BCE

En revanche, celles et ceux qui plaident pour un durcissement rapide des politiques monétaires des banques centrales trouveront a priori leur bonheur dans le document du FMI. Car l’institution indique que la boucle est d’autant mieux circonscrite que les anticipations d’inflation restent mesurées. C’est le rôle des banques centrales et de leurs interventions que de montrer qu’elles sont prêtes à calmer le jeu de l’activité et des prix quoiqu’il en coûte en termes de chômage.

Pour autant, si l’on comprend bien le mécanisme, il n’a pas l’air de s’appliquer à la situation actuelle. Selon la dernière enquête sur les anticipations d’inflation que vient de publier la Banque centrale européenne (BCE), la médiane d’inflation pour les ménages européens (le chiffre pour lequel la moitié pense qu’elle sera supérieure et l’autre moitié qu’elle sera plus basse) est à 5 % dans un an et à 3 % dans trois ans.

Bref, les Européens pensent que l’inflation va largement ralentir dans les mois qui viennent au point qu’elle sera divisée par deux dans un an (la première estimation pour septembre 2022 la place à tout juste 10 %) et reviendra ensuite vers des niveaux gérables.

Des éléments qui militent pour calmer le train d’enfer de la hausse de taux que réclament les faucons de la BCE, peut-être plus désireux de mettre des bâtons dans les roues des emprunts d’Etat en faisant monter le coût des dettes publiques que de lutter contre une inflation qui n’est pas nourrie par les salaires.

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