Opinion

Trois scénarios pour une bonne politique monétaire et budgétaire européenne

3 min
Christian Chavagneux Editorialiste

L’Europe arrive à un tournant en matière de politique économique. La Banque centrale européenne (BCE) continue à faire monter son taux directeur et entend le laisser à un niveau élevé pendant un bon moment. Elle réduit également la liquidité disponible par sa politique accélérée de Quantitative Tightening à tel point qu’elle diminue aujourd’hui la taille de son bilan deux fois plus vite que la Réserve fédérale américaine.

Or, dans le même temps, les programmes de stabilité des gouvernements vont tous dans le sens de la rigueur budgétaire.

Le policy mix européen, l’addition de la politique monétaire et budgétaire, appuie donc fortement sur le frein, au risque de casser l’activité et l’emploi. Comment se sortir de cette situation, tout en maîtrisant l’inflation et en assurant la maîtrise des déficits publics ?

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La réponse n’est pas conjoncturelle mais structurelle. Et elle peut prendre trois chemins différents et complémentaires.

Chemins innovants

Le premier consiste à réduire la pression budgétaire nationale en trouvant de nouvelles recettes fiscales. Taxe sur les patrimoines des très riches (une idée qui monte), sur les billets d’avion, sur l’héritage, etc., Plusieurs voies sont possibles, permettant de prélever plus sans toucher aux revenus de la grande majorité de la population. Cela évite d’avoir à courir après la baisse des dépenses, dont les seules diminutions véritablement « efficaces » en termes budgétaires concernent celles consacrées à la protection sociale.

Les règles de l’Union européenne l’enferment, à court terme, dans l’austérité.

Une autre option consiste à transférer les dépenses d’avenir au niveau européen afin de les sortir des contraintes budgétaires nationales. Comment financer ces investissements ? La Commission européenne n’est pas arrivée jusqu’ici à trouver les moyens d’élargir et de faire progresser ses ressources propres. Taxes sur le transport aérien, sur le transport maritime sous imposé, sur les transactions financières… Il y a là aussi plusieurs pistes à débattre. Par ailleurs, l’entité Union européenne est très peu endettée et dispose de marges de manœuvre pour étaler dans le temps le financement des investissements nécessaires pour la transition écologique, la dépendance, etc.

La troisième voie se propose d’agir cette fois par le côté monétaire du policy mix avec la proposition mise en avant par l’économiste Olivier Blanchard : relever le taux cible d’inflation de la BCE de 2 % à 3 %. L’objectif est clair : si la banque centrale s’autorise une inflation autour de 3 % plutôt que 2 % (elle peut le décider), elle a moins besoin de faire monter ses taux ainsi que de les laisser élevés moins longtemps puisque son action s’arrête dès que les prix avoisinent 3 % plutôt que 2 %. Cela permet d’assurer plus facilement des situations durant lesquelles les taux d’intérêt réel (une fois l’inflation prise en compte) restent sous le taux de croissance de l’économie, ce qui libère des marges de manœuvre budgétaires.

Les réflexions ne manquent pas pour donner à l’Europe la capacité de décider pour son avenir. Ce sont des chemins innovants, politiquement difficiles à mener, qui nécessitent un leadership fort dont l’Union ne dispose malheureusement pas. Ses règles l’enferment, à court terme, dans l’austérité.

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