Opinion

Pourquoi les écologistes devraient se réconcilier avec l’économie

4 min
Philippe Frémeaux Editorialiste

Les ex-élus d’EELV les plus proches du gouvernement ont créé leur mouvement le week-end dernier alors que, dans le même temps, dans plusieurs régions, EELV fait liste commune avec le Front de gauche. Un grand écart qui conduit à s’interroger sur le positionnement des écologistes en matière économique, au-delà des calculs électoraux.

Une chose est sûre : les questions macroéconomiques – croissance, inflation, euro – intéressent peu les écologistes. Parce que leur motivation est moins de faire marcher le système que de changer le contenu et les formes de l’activité économique afin de l’inscrire dans les limites écologiques de la planète. EELV a d’ailleurs longtemps compté moins de technocrates et de macroéconomistes dans ses rangs que les autres partis de gouvernement.

En revanche, parce que ce parti interroge les finalités même de l’économie, il peut s’appuyer sur les meilleurs spécialistes en matière énergétique ou agricole, dans le domaine de la lutte contre le changement climatique et son financement, en matière d’urbanisme, de santé publique, de développement local, d’économie circulaire ou encore d’économie sociale et solidaire…

Le positionnement des écologistes demeure trop souvent étalonné sur l’axe qui oppose la gauche de la gauche et la gauche réformiste

Reste que, dans les faits, le débat public en économie se noue plutôt autour des enjeux macroéconomiques : croissance, chômage, emploi, crise de l’euro, mondialisation… Et, sur ce plan, le positionnement des écologistes, et ce n’est pas lié seulement à la diversité de leurs alliances électorales, demeure trop souvent étalonné sur l’axe qui oppose, depuis plus d’un siècle, la gauche de la gauche, anti-capitaliste, et la gauche réformiste, qui assume de gérer le système en le modifiant à la marge.

Autre dimension

Or, l’écologie politique devrait se situer dans une autre dimension. Elle est, certes, critique du grand capitalisme, mais elle sait aussi que l’accumulation sans frein, la quête de puissance ont caractérisé depuis deux siècles toutes les sociétés industrielles, qu’elles soient capitalistes ou se revendiquant du socialisme. L’écologie politique remet donc sur la table les questions centrales : que produit-on ? Et comment ? Des questions souvent au-delà de l’horizon critique de la gauche radicale, sauf quand elle s’essaye à copier les écologistes…

Sur ces bases, que peut être une pensée économique écologiste spécifique ? Face à la gauche de la gauche, c’est clairement une pensée moins productiviste, moins étatiste, plus ouverte sur l’Europe et sur les territoires ; face à la gauche réformiste, c’est une pensée qui n’attend plus la solution au problème de l’emploi d’un illusoire retour à une croissance forte et durable. C’est aussi une pensée différente en matière d’énergie, d’agriculture, de transports, d’urbanisme pour ne prendre que quelques exemples. Enfin, c’est une pensée plus soucieuse de lutter contre toutes les inégalités, car la transition écologique ne sera acceptable par tous que si elle s’accompagne de plus de justice, et que chacun en tire bénéfice…

On attend de l’écologie politique qu’elle se montre critique à l’égard du pacte de responsabilité sans coller pour autant au keynésianisme simpliste

Plus concrètement, on attend de l’écologie politique qu’elle se montre critique à l’égard du pacte de responsabilité sans coller pour autant au keynésianisme simpliste d’une certaine gauche critique qui affirme qu’il suffirait de dépenser plus pour que la croissance reparte et que tout aille mieux. L’écologie politique devrait aussi porter un message fédéraliste et solidaire au niveau européen tout en assumant un mix entre compétitivité et solidarité au niveau national. Ensuite, il lui revient de relancer le débat sur ce qui peut enrichir le contenu en emplois de l’activité sans accroître les inégalités, à commencer par une réduction du temps de travail revisitée. Enfin, elle doit affirmer qu’il est temps d’arrêter d’opposer l’action macroéconomique et les réformes dites structurelles, qui relèveraient de l’urgence, et l’environnement, qui pourrait attendre. Le long terme, c’est maintenant !

C’est d’ailleurs pourquoi les économistes écologistes travaillent sur des propositions en matière de fiscalité, de protection sociale ou de régulation de la finance et se placent dans une perspective post-croissance afin de mettre enfin l’économie au service du bien-être tout en l’inscrivant dans les limites écologiques de la planète.

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Commentaires (1)
Pourlavenir 29/10/2015
"une rêduction du temps de travail revisitée" Oui, pas une diminution linéaire, égale pour tous (comme les 35h), mais une RTT ciblée, qui crée de manière proportionnelle des emplois, par le partage des emplois pénibles : http://blogs.mediapart.fr/edition/pole-emploi-mon-amour/article/121014/contre-le-chomage-le-partage-du-travail-et-non-la-persecution-des-chomeurs-la
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