Marché du travail

Le chômage baisse, mais...

6 min
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Le ministère de l’emploi a publié  le 26 octobre dernier les chiffres du chômage pour le mois de septembre. Ces chiffres ont été beaucoup commentés parce qu’ils font apparaître un recul de 23 800 personnes du nombre des inscrits en catégorie A à Pôle emploi (les personnes qui n’ont pas travaillé du tout dans le mois et correspondent donc à la définition officielle des chômeurs). Soit la plus importante baisse mensuelle enregistrée depuis 2007, avant la crise.

Est-ce le début de la fameuse et si attendue "inversion de la courbe du chômage" ? Ce n’est pas exclu dans un contexte économique a priori très favorable avec un pétrole à moins de 50 dollars, un euro faible par rapport au dollar et une politique monétaire très expansive de la Banque centrale européenne. Mais il faudra attendre encore plusieurs mois pour en avoir véritablement confirmation.

En attendant cette bonne nouvelle incite à se pencher de façon plus précise sur la dynamique du chômage au cours des derniers mois. Un examen qui amène à relativiser sérieusement les cris de victoire prématurés... 

En y regardant de plus près on se rend compte tout d’abord que le reflux des inscrits à Pôle emploi en catégorie A en septembre dernier (ceux qui n’ont pas travaillé du tout) est compensé et même un peu plus (+ 25 600) par la croissance du nombre des inscrits à Pôle emploi qui sont classés dans les catégories B et C, des chômeurs qui ont travaillé quelques heures dans le mois. Une tendance qu’on observe déjà depuis plusieurs années au fur et à mesure que se multiplient les Contrats à durée déterminée de très courte durée : aujourd’hui on dénombre environ un chômeur en activité réduite pour deux qui n’ont pas travaillé du tout. A la fin des années 1990, cette proportion n’était que de un pour cinq. Et ce basculement tend manifestement à s’accélérer.

De ce fait, le nombre global des inscrits à Pôle emploi dans ces trois catégories n’a pas baissé le mois dernier - ils sont désormais 5,4 millions en France métropolitaine -  même si sa croissance a fortement ralenti. Il vaut certes mieux travailler un peu que pas du tout mais le chiffre des inscrits à Pôle emploi en catégorie A, B et C donne quand même une idée plus juste de l’ampleur du sous emploi en France que le seul chiffre des inscrits en catégorie A. Même si ce dernier est bien le plus conforme à la définition officielle - très stricte - du chômage. 

Par ailleurs, si on prend également en compte les inscrits à Pôle emploi en catégorie D - les chômeurs en formation - et E - les chômeurs en emplois aidés - on constate que le nombre de ces emplois aidés s’est nettement accru depuis le mois d’avril dernier ( +30 000 pour être porté à 408 000 en septembre dernier ).

Dans le contexte actuel, le gouvernement a évidemment raison de recourir davantage à ce type d’emplois. Cela oblige cependant à relativiser sérieusement l’amélioration du marché de l’emploi marchand et la satisfaction éprouvée face à la stabilisation du nombre des chômeurs qui restent hors de ces dispositifs... 

Si on s’intéresse aussi à l’ancienneté des chômeurs à Pôle emploi, on constate que le nombre de ceux qui se sont inscrits depuis moins de six mois tend à baisser légèrement. Et ce pas simplement en septembre mais depuis plusieurs mois déjà. Un signe indéniable d’une certaine détente sur le marché de l’emploi. Mais ce n’est pas le cas du tout, en revanche, des chômeurs de plus longue durée dont le nombre ne cesse de s’accroître. Y compris en septembre dernier avec une hausse de 23 800 du nombre des chômeurs inscrits à Pôle emploi depuis plus d’un an. Une hausse que le recours accru aux emplois aidés évoquée précédemment n’a donc pas freiné pour l’instant. 

Ce sont désormais quasiment 2,5 millions de personnes qui se trouvent dans cette situation, quasiment la moitié des inscrits à Pôle emploi en catégories A, B et C. Dont presque 800 000 y pointent depuis plus de trois ans. Ils ont donc selon toute vraisemblance épuisés tous leurs droits à l’assurance chômage et en sont réduits aux minima sociaux... Bien entendu si la tendance à la baisse - encore très limitée pour l’instant - du chômage de courte durée devait s’accentuer au cours des prochains mois, elle finirait aussi par se propager vers les durées plus longues mais en attendant le cancer du chômage de longue durée continue de s’étendre.... 

Si on étudie enfin l’âge des inscrits à Pôle emploi, on constate que le nombre des 25-49 ans tend à se stabiliser et que celui des jeunes décline légèrement depuis le mois de mai dernier. Il n’est pas exclu cependant que cette baisse ne corresponde pas seulement à une amélioration de l’emploi des jeunes mais aussi, au moins en partie, à un découragement croissant de ces jeunes qui préfèrent prolonger leurs études ou renoncer à s’inscrire à Pôle emploi et à courir après des emplois inexistants. Depuis la crise, le taux d’activité des moins de 25 ans est en effet de nouveau en recul régulier. 

En revanche, le nombre des plus de cinquante ans inscrits à Pôle emploi, qui était inférieur à 500 000 personnes avant la crise, atteint désormais 1,3 millions, quasiment trois fois plus. Et cette hausse se poursuit impertubablement mois après mois. Y compris en septembre dernier où leur nombre s’est encore accru de 8 000 personnes. Une situation étroitement liée à l’aggravation du chômage de longue durée précédemment décrite dont les seniors sont les principales victimes.

Cette situation résulte en particulier des réformes des retraites passées qui ont éliminé toute possibilité de préretraites et retardé l’âge minimal de départ dans un contexte où les entreprises continuent toujours à se débarrasser en priorité des salariés seniors. Ceux-ci se retrouvent du coup coincés à Pôle emploi et réduits à y attendre plusieurs années en survivant de minima sociaux. Dans ce contexte les mesures décidées récemment lors des négociations au sujet des retraites complémentaires en vue d’allonger encore les durées de cotisation nécessaires pour obtenir une retraite à taux plein ne sont pas vraiment de nature à rassurer les salariés de plus de cinquante ans sur leur avenir... 

Bref, même si la forte baisse du nombre de chômeurs enregistrée en septembre dernier est évidemment une bonne nouvelle, l’analyse détaillée des chiffres empêche sérieusement de crier victoire trop fort. 

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Commentaires (1)
Pourlavenir : http://blogs.mediapart.fr/blog/pourlavenir 29/10/2015
Non seulement notre gouvernement manipule les chiffres du chômage, mais les lois ANI et Macron facilitent les licenciements. Trop c'est trop, puisqu'ils se foutent de ce que leur crient les Français par les urnes, il faut leur crier directement notre indignation par des actes symboliques. J'ai crié à Macron "licenieur, assassins de chômeurs". Car leur politique tue 14 000 chômeurs par an, directement par des suicides, ou indirectement par ses conséquences sur la santé des chômeurs. http://blogs.mediapart.fr/edition/pole-emploi-mon-amour/article/131015/macron-ose-souiller-la-bourse-du-travail-ca-ne-peut-pas-passer-sans-reaction
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