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Devoir de vigilance : les entreprises traînent les pieds

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Raffinerie de pétrole de Grandpuits, en Seine-et-Marne, appartenant à Total. La compagnie pétrolière a reçu un courrier d’avocat agissant au nom de maires écolos et de quatre associations qui lui demandent de prendre toutes les mesures pour limiter le réchauffement climatique. PHOTO : © Olivier SAINT-HILAIRE/HAYTHAM-REA

La chronique éco de Marc Chevallier, rédacteur en chef d’Alternatives Economiques, est à retrouver tous les mardis dans la matinale du 5-7 de France Inter, à 6 h 45. Vous pouvez écouter celle du 25 décembre 2018 ci-dessous.

 

C’est la période des bilans. En 2018, les grandes entreprises françaises ont dû mettre en œuvre des plans de vigilance pour leurs activités. Respectent-elles cette obligation ?

A l’origine de cette obligation, il y a l’effondrement du Rana Plaza en 2013 au Bangladesh, qui a fait près de 1 130 morts. Le bâtiment abritait des ateliers de confection travaillant pour de grandes marques comme Benetton, Carrefour ou Camaïeu.

C’est la mise en cause de la responsabilité des multinationales qui a abouti en France à la loi sur le devoir de vigilance. Pour la première fois en 2018, toute société employant plus de 5 000 salariés dans l’Hexagone doit mettre en œuvre un plan de vigilance.

L’objectif de ces plans, c’est d’identifier les risques et de prévenir les atteintes graves envers les droits humains, la santé, l’environnement. Y compris dans les filiales, chez les sous-traitants, les fournisseurs.

Quel bilan peut-on tirer de ces premiers plans de vigilance ?

Eh bien, il n’est pas brillant. Le moins qu’on puisse dire, c’est que les directions d’entreprise sont restées timides. Alors qu’elles nous avaient habitués à de grandes envolées lyriques sur papier glacé dans leurs rapports de développement durable, les plans de vigilance tiennent le plus souvent en quatre ou cinq pages maximum, pleines de généralités.

Du côté des entreprises, on se défend en disant : laissez-nous du temps pour mettre en œuvre la démarche, on fera mieux l’année prochaine. La vraie raison, c’est qu’elles préfèrent en dire le moins possible par peur des suites judiciaires. Et pour cause, les entreprises sont tenues désormais de dire ce qu’elles font, et de faire ce qu’elles disent.

Y a-t-il des entreprises plus mauvaises élèves que d’autres ?

Oui, celles qui début décembre n’avaient toujours publié de plan. Comme Lactalis, englué depuis des mois dans les scandales de lait contaminé aux salmonelles. Ou Décathlon, qui nous a promis qu’il serait prêt en 20191.

Mais il est impossible de savoir combien de groupes n’ont pas rempli leurs obligations : Bercy n’a jamais publié la liste des entreprises soumises au devoir de vigilance.

Faut-il s’attendre à une avalanche de procédures judiciaires contre les entreprises ?

C’est peu probable. Pour le moment, les syndicats ne se sont pas vraiment emparés du sujet. Et les ONG attendent de voir si elles arrivent à convaincre les entreprises de rehausser leurs ambitions.

Cela dit, Total a reçu en octobre un courrier d’avocat agissant au nom de maires écolos et de quatre associations : ils demandent au groupe pétrolier, très gros émetteur de gaz à effet de serre, de prendre toutes les mesures pour contribuer à limiter le réchauffement climatique.

C’est une lecture maximaliste de la loi sur le devoir de vigilance. De quoi affoler les directions juridiques des grandes entreprises.

  • 1. Le distributeur nordiste s’est finalement résolu à nous communiquer son plan de vigilance... le 20 décembre.

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