Commerce

Donald Trump va-t-il forcer l’Europe à changer de politique économique ?

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La chancelière allemande Angela Merkel et le président des Etats-Unis Donald Trump le 27 avril 2018 à la Maison-Blanche. PHOTO : ©ZUMA Press/ZUMA/REA

Le 23 mai dernier, le gouvernement américain a lancé une enquête sur les importations de voitures et de camions aux Etats-Unis. Il s’agit d’étudier dans quelle mesure ces importations ont contribué à dégrader la situation de l’industrie automobile américaine et sont susceptibles de menacer la sécurité nationale en handicapant le développement des véhicules autonomes ou encore des véhicules électriques et de leurs batteries aux Etats-Unis. Cela ne constitue pour l’instant que le stade initial d’une démarche qui pourrait cependant déboucher à terme sur l’instauration de droits de douane sur ces importations à hauteur de 25 % au lieu de 2,5 % pour l’instant pour les véhicules européens. Après les mesures déjà décidées ces dernières semaines par Donald Trump concernant l’acier et l’aluminium, dont l’Europe n’est pour l’instant que provisoirement exemptée.

Ce sont les importations de véhicules haut de gamme allemands qui seraient éventuellement visées si des droits de douane sont instaurés

En 2017, les Etats-Unis avaient importé en tout 8,3 millions de véhicules, dont 2,4 du Mexique et 1,8 du Canada (qui font partie de l’accord de libre-échange nord-américain (Alena) en cours de renégociation), 1,7 million du Japon, 500 000 d’Allemagne (et 8 000 de France)… Parallèlement, les Etats-Unis n’ont exporté l’an dernier que deux millions de véhicules. En ce qui concerne l’Europe, ce sont donc clairement les importations de véhicules haut de gamme allemands – BMW, Audi et Mercedes – qui seraient éventuellement visées si des droits de douane sont instaurés. Cette annonce a immédiatement déclenché une baisse des cours des actions des firmes automobiles en Europe.

La démarche de Donald Trump semble sur le fond peu justifiée. La plupart des constructeurs étrangers qui vendent des véhicules aux Etats-Unis y ont déjà installé des usines d’assemblage et la grande majorité des véhicules qu’ils y écoulent provient de l’Alena. Quant à l’avenir, via les Gafa ou encore le constructeur Tesla, les Etats-Unis semblent pour l’instant nettement mieux placés que l’Europe pour prendre le virage des véhicules électriques ou autonomes.

Effet positif pour l’Europe

Pour autant l’action de Donald Trump sur ce terrain, si elle se poursuit, pourrait au final avoir un effet (très) positif pour l’Europe. Il pourrait en effet réussir là où tous les autres ont échoué jusqu’ici : obliger le gouvernement allemand, et derrière lui l’opinion publique de nos voisins, à accepter un changement de politique économique en Europe de peur que les industriels d’outre-Rhin ne parviennent plus à vendre leurs véhicules outre-Atlantique.

L’an dernier en effet, la zone euro a dégagé un excédent de ses comptes courants de 390 milliards d’euros, soit 3,5 % de son produit intérieur brut (PIB). Cela signifie que les Européens auraient pu dépenser chez eux l’an dernier 390 milliards d’euros de plus sans que cela ne pose aucun problème de financement, qu’il faille emprunter de l’argent aux Saoudiens, aux Chinois ou aux fonds de pension américains : les Européens avaient produit eux-mêmes suffisamment de richesse pour se payer de telles dépenses. Au lieu de se cantonner à des dépenses de consommation frivoles, elles auraient pu servir à développer l’éducation, à lutter contre le chômage et la pauvreté, à davantage favoriser la transition énergétique, à mieux préparer le vieillissement de la population…  

Le dégonflement des excédents européens, qui sont pour l’essentiel des excédents allemands, sera forcément au cœur des discussions

Mais les règles européennes, budgétaires notamment, et les politiques déflationnistes mises en œuvre en Europe, en matière de baisse du coût du travail en particulier, nous ont empêchés de le faire malgré l’action (heureusement) vigoureuse de la Banque centrale européenne pour tenter de relancer l’activité en Europe. Ce faisant, l’Union européenne n’a pas simplement causé du tort à sa propre population – ce qui explique l’animosité justifiée d’une bonne partie des couches populaires à son égard –, mais elle a aussi causé du tort à l’économie mondiale, et donc à l’économie américaine, en n’absorbant pas la part de la production des autres zones qu’elle aurait pu recevoir.

Dans la négociation qui va forcément s’engager avec les Etats-Unis suite aux annonces de l’administration Trump, le dégonflement des excédents européens, qui sont pour l’essentiel des excédents allemands, sera forcément au cœur des discussions. Et c’est peut-être grâce à cette pression extérieure que nous réussirons enfin à échapper au bout de dix ans au « Schäublisme » et à ses effets désastreux sur l’économie et la société européenne, qui ont tant nourri le populisme et l’euroscepticisme.

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Commentaires (1)
Yves 28/05/2018
Qui gère l'épargne des Allemands ? J'aimerais bien le savoir. Le résultat est proche de zéro ?
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