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Ecologie : le projet de loi de finances 2024 avance vers le vert

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Le projet de loi de finances 2024, présenté mercredi 27 septembre, rallonge de 7 milliards le budget de la transition écologique, une très bonne nouvelle pour l’an prochain, mais ensuite ?

Pour ce qui est de la rénovation des logements, le gouvernement affiche une cible de 200 000 rénovations performantes en 2024 (et quatre fois plus en 2030). Ici, des travaux d'isolation à Valence, en France, en septembre 2023. PHOTO : NICOLAS GUYONNET / HANS LUCAS VIA AFP

« Ce PLF 2024 confirme nos choix pour la sécurité, le régalien et l’éducation. Mais il affirme surtout un choix politique majeur en faveur de la décarbonation et de la transition écologique », a déclaré Bruno Le Maire lors de la présentation du projet de loi de finances 2024 à la presse, mercredi 27 septembre, ajoutant que « cela a été rappelé par le président de la République lundi et la Première ministre hier ».

Emmanuel Macron avait en effet en début de semaine donné son onction au plan vert 2030, présenté cet été par Matignon après un an de travail (lire notre commentaire ici). Il fallait donc traduire en espèces sonnantes et trébuchantes ces engagements ambitieux.

Le sursaut est réel, confirmant l’annonce en juillet dernier d’une hausse de 7 milliards...

« Ce PLF 2024 confirme nos choix pour la sécurité, le régalien et l’éducation. Mais il affirme surtout un choix politique majeur en faveur de la décarbonation et de la transition écologique », a déclaré Bruno Le Maire lors de la présentation du projet de loi de finances 2024 à la presse, mercredi 27 septembre, ajoutant que « cela a été rappelé par le président de la République lundi et la Première ministre hier ».

Emmanuel Macron avait en effet en début de semaine donné son onction au plan vert 2030, présenté cet été par Matignon après un an de travail (lire notre commentaire ici). Il fallait donc traduire en espèces sonnantes et trébuchantes ces engagements ambitieux.

Le sursaut est réel, confirmant l’annonce en juillet dernier d’une hausse de 7 milliards d’euros l’an prochain des dépenses de l’Etat affectées à la transition écologique, en crédits de paiements. Un montant porté à 10 milliards d’euros en autorisations d’engagements1, ce qui permet de concrétiser une promesse faite Emmanuel Macron lors de sa seconde campagne. Avec cette rallonge en crédits de paiements, le gouvernement estime à 40 milliards d’euros son effort l’an prochain pour la transition écologique.

« C’est un effort supérieur à celui du plan de relance post-Covid », souligne Erwann Kerrand, chercheur à l’institut d’économie du climat (I4CE) et spécialiste du budget de l’Etat. Et plus qu’un doublement des crédits prévus par rapport à l’exercice en cours : de 2022 à 2023, I4CE avait identifié une hausse de 3 milliards d’euros des dépenses climat de l’Etat.

Une question de définitions

Reste que cet effort additionnel est essentiellement tourné vers la décarbonation. Le financement de l’adaptation au changement climatique est un sujet totalement absent. La restauration de la nature reste, elle, très secondaire. La hausse de 0,4 milliard d’euros pour les programmes biodiversité et de 0,5 milliard pour les agences de l’eau n’en font pas moins partie des bonnes nouvelles.

Mais bien des interrogations demeurent sur ce budget. Interrogations sur l’efficacité et l’équité des dépenses d’abord. Prenons le cas emblématique de la rénovation des logements : le gouvernement affiche une cible de 200 000 rénovations performantes en 2024 (et quatre fois plus en 2030).

Mettre une pompe à chaleur dans une maison mal isolée est peut-être profitable pour l’industrie, mais c’est un non-sens social et écologique

« Entre les quatre milliards de dépenses publiques l’an prochain et les cinq milliards de certificats d’économie d’énergie, cela commence à faire beaucoup d’argent. Mais qu’est-ce qu’on va financer avec ça ?, s’inquiète Danyel Dubreil, expert efficacité énergétique au CLER et coordinateur de la plate-forme Rénovons. Si la performance, c’est juste gagner deux sauts de classes du diagnostic de performance énergétique, on y arrive avec une pompe à chaleur. Et on va enfermer les gens dans la précarité. »

En effet, mettre une pompe à chaleur dans une maison mal isolée est peut-être profitable pour l’industrie, mais c’est un non-sens social et écologique : c’est énergivore, donc coûteux pour les ménages et pour le système électrique (lire ici). Or quelle définition de la rénovation performante l’Etat retiendra-t-il in fine ?

« Tout cela sera précisé dans les prochaines semaines, indique-t-on au ministère de la Transition écologique. Les aides aux rénovations performantes financeront à la fois les rénovations globales mais aussi en deux étapes. Et les aides seront aussi calibrées selon le nombre de sauts de classe au sens du DPE [diagnostic de performance énergétique]. »

Une réponse plutôt rassurante… Sauf que la proposition de texte du PLF est, elle, inquiétante : il est écrit page 207 que seraient considérées comme « performantes » et « globales » les rénovations « induisant au moins deux sauts de classe du diagnostic de performance énergétique. » Bref, le diable pourrait s’installer dans les détails.

10 milliards sur les 30 requis

Autre préoccupation, le dimensionnement de cette rallonge. Bercy souscrit à l’estimation du rapport Pisani-Ferry-Mahfouz, selon lequel la planification écologique à 2030 implique un effort additionnel de 60 milliards d’euros par an, répartis à parts égales entre argent public et argent privé. Avec 10 milliards d’euros, « l’Etat prend toute sa part » écrit le ministère de l’Economie. Le reste, donc environ 20 milliards d’euros, est supposé être apporté par les collectivités territoriales. Or il n’y a pour l’instant aucun plan. Et avec le demi-milliard supplémentaire du Fond vert qui leur est destiné, on est très loin du compte.

Le PLF 2024 n’est donc pas en ligne avec l’ambition. Faut-il s’en désoler ? Xavier Timbeau économiste et directeur principal à l’OFCE, préfère regarder le verre à moitié plein que le verre à moitié vide :

« Certes, il y a encore un grand fossé entre les engagements et les objectifs et on peut trouver que cela ne va pas assez vite, mais il a également fallu composer avec un contexte difficile. »

Une priorité du gouvernement était d’engager la sortie des soutiens à la consommation d’énergie, à la fois extrêmement coûteux, inéquitables et inefficaces car non ciblés et, sur le plan écologique, donnant le mauvais signal prix. Mais il est politiquement très compliqué d’en sortir, ce qu’a toutefois commencé à faire le gouvernement pour le gaz, alors même que l’inflation restait élevée. A cela s’ajoute le nécessaire accroissement de l’effort de défense, sans oublier l’éducation, autre priorité nationale.

« Il aurait été difficile d’en faire beaucoup plus cette année pour le climat » conclut Xavier Timbeau. Et il faut apprécier que le gouvernement ait, pour ce PLF renoncé de fait à sa ligne austéritaire.

Les lignes bougent timidement

C’est finalement peut-être moins le budget 2024 qui est préoccupant que les suivants. « Avec le PLF 2024, on a franchi une marche. Le gouvernement a envoyé le signal qu’il cherchait à adosser la politique budgétaire à politique climatique. Mais la question du financement va se reposer », prévient Erwann Kerrand.

Le chercheur rappelle les trois leviers préconisés dans le rapport Pisani-Ferry-Mahfouz : l’endettement, les impôts (et notamment un ISF écologique) et les économies sur d’autres postes budgétaires (déshabiller Paul pour habiller Pierre). Le gouvernement a écarté d’office les deux premières pistes, a l’exception d’un modeste relèvement de la fiscalité écologique dont le rendement sera très limité.

« En définitive, les 7 milliards de la transition sont financés cette année principalement grâce aux économies budgétaires permises par le retrait du bouclier tarifaire », explique Erwann Kerrand.

C’est un fusil à peu de coups : il n’y aura pas chaque année un bouclier tarifaire à éteindre – s’il est totalement éteint – pour trouver des financements. D’autant que les besoins vont exploser, avec notamment un nombre de rénovations performantes qui, selon le Plan Vert, doit passer de 200 000 en 2024 à 900 000 en 2030.

Le nombre de rénovations de logements performantes doit passer de 200 000 en 2024 à 900 000 en 2030

Tout espoir n’est pas vain. On a vu le gouvernement rétropédaler sur le bouclier tarifaire, et préférer désormais les mesures ciblées – qu’il faudrait cependant revaloriser, à l’instar du chèque énergie.

Sur les dépenses fiscales en faveur des carburants, nocives pour l’environnement et incohérentes avec les objectifs des politiques publiques, les lignes bougent. Certes timidement, mais dans un contexte où les cours des hydrocarbures sont élevés. Il faudra bien entendu aller beaucoup plus loin que les 200 millions d’euros sur le gazole non routier.

Les 3 % de déficit public, c’est pour plus tard

Selon un récent rapport de l’Inspection générale des finances2, les principales ristournes et exonérations sur les carburants fossiles (gazole agricole, routier, BTP et maritime, détaxe du kérosène aérien, différentiel gazole/essence) ont représenté à elles seules un coût pour les finances publiques de 9,7 milliards d’euros en 2023 !

Par ailleurs, si l’exécutif reste droit dans ses bottes dans son refus d’envisager un ISF vert, le sujet continue de monter dans le débat public, au niveau européen comme hexagonal. En témoigne encore, après le rapport Pisani-Ferry-Mahfouz, le rapport sur la fiscalité du patrimoine remis la veille de la présentation du PLF par les députés Jean-Paul Mattei (Modem) et Nicolas Sansu (PCF).

Concernant le levier de la dette, enfin, force est de constater que le pragmatisme prend de plus en plus le pas sur l’idéologie. Le retour aux 3 % de déficit public, c’est toujours pour plus tard et il n’est pas interdit de penser que les Etats européens finiront par faire admettre que l’urgence écologique justifie davantage de souplesse à ce niveau.

Enfin, la future loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 s’est enrichie, avec l’adoption d’un amendement du député Jean-René Cazeneuve (Renaissance), d’un article 8 bis définissant une stratégie pluriannuelle des financements de la transition écologique.

A présent que le gouvernement a assumé une planification écologique à 2030 et que ses besoins de financement ont été clairement quantifiés, il va devenir de plus en plus difficile de persister dans la schizophrénie.

  • 1. Les engagements correspondent aux dépenses autorisées durant l’année budgétaire et les crédits de paiement aux décaissements effectifs autorisés. Il y a en effet souvent un décalage entre l’autorisation d’un projet et sa livraison, donc son règlement.
  • 2. « Adaptation de la fiscalité aux exigences de la transition écologique », Inspection générale des finances, mai 2023, document non publié et qu’a révélé le média Contexte.

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