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Régulation financière : il faut aller plus loin

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Adair Turner, l’ancien patron de la régulation financière britannique, s’attaque à la libéralisation financière dans son dernier livre. PHOTO : ©HAMILTON/REA

Adair Turner, l’ancien patron de la régulation financière britannique, n’y va pas de main morte. Dans un livre tranchant et direct, il s’attaque à la libéralisation financière des dernières décennies, source à ses yeux de l’instabilité financière, et propose des pistes concrètes de régulation qui vont plus loin que le consensus international actuel. Un livre clé.

Trop de finance

Pour Turner, le monde de la finance laissé à lui-même crée de la dette en quantité excessive par rapport aux besoins de l’économie réelle. Ce qui passe par deux chemins différents. D’un côté, des prêts entre financiers pour spéculer sur le prix d’actifs existants, ce qui n’a aucune utilité sociale. Et la libéralisation financière internationale participe de ces mouvements de capitaux inutiles qui ne sont pas liés à des activités productives.

« La création de crédits est une chose trop importante pour être laissée aux banquiers »

De l’autre, les prêts à l’économie se dirigent trop souvent en trop grande quantité vers le financement de l’immobilier. Et ce n’est pas prêt de finir : le développement technologique actuel fait baisser le prix des investissements, ce qui remonte mécaniquement le poids des achats de logements ; les inégalités qui se creusent obligent les plus démunis à recourir encore plus à l’endettement. Conclusion : « La création de crédits est une chose trop importante pour être laissée aux banquiers. »

Le poids de l’immobilier dans les crises

La seule manière d’éviter l’instabilité financière consiste à encadrer beaucoup plus sévèrement les activités des banques et autres entités créatrices de crédits. Au niveau international, Turner souhaite une remise en cause de la libre circulation des mouvements de capitaux : la fragmentation du système financier international, loin d’être toujours dangereuse, peut être positive à ses yeux.

Il faut réduire le déséquilibre
offre-demande sur le marché immobilier

Il souhaite absolument limiter les booms de crédits immobiliers qui tournent mal. Pour cela, il propose d’agir sur les acteurs de la finance, par exemple en augmentant les contraintes en capital sur ce type de prêts. Mais également en s’attaquant à l’offre et à la demande de biens immobiliers. D’un côté, il demande de taxer les plus-values sur les terrains détenus, de favoriser la dispersion territoriale des habitants pour éviter les zones de tension, etc. De l’autre, il prône des politiques de réduction des inégalités comme une augmentation des salaires minimums, la distribution d’un revenu de base ou bien une taxe globale sur les richesses comme suggéré par Thomas Piketty.

Moins de rentabilité pour plus de sécurité

En bon connaisseur des banques et la finance, Turner tape également là où cela fait mal en proposant des mesures privilégiant la stabilité à la rentabilité des établissements. Il réclame un financement en capital bien plus élevé que ce que demandent les régulations internationales actuelles. Il souhaite renforcer les contraintes en capital que les régulateurs peuvent faire varier en fonction de la conjoncture et il propose quelques mesures techniques pour diminuer le rendement des prêts que se font entre eux les acteurs de la finance. Et il ne faudrait pas oublier ses appels à un soutien public à l’activité qu’il verrait très bien financer par la création monétaire des banques centrales.

Adair Turner est l’ancien dirigeant du CBI, l’équivalent du Medef, au Royaume-Uni et l’ancien superviseur en chef de la City. Son appel pour une reprise en main publique de la finance n’émane pas d’un marginal. Il mérite d’être écouté.

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