Opinion

Qui récompense les efforts de mon lombricompost?

4 min
Sophie Caillat Journaliste environnement

Quelle merveille mon lombricompost ! En ce joli mois de mai, regardez de quel cadeau il m’a gratifiée : de jeunes pousses y sont nées.

Sur le coup, j’ai été si étonnée par la prodigalité de la nature que je n’ai pas pensé à laver ces graines germées et à les servir en salade. Je dois avouer que ce surgissement de vie m’a un peu désemparée et que j’ai mis cette poignée magique dans la poubelle résiduelle – celle justement dont j’essaie de diminuer le poids grâce à mon lombricompost. Quand j’ai appelé mon copain Helder de Oliveira, expert en lombricompostage, il m’a félicitée d’avoir créé un écosystème si riche et productif qu’y naissent des graines germées.

Petit rappel pour ceux qui ne sont pas familiers du terme : comme son nom l’indique, le lombricompost permet de composter, c’est-à-dire recycler, des biodéchets, ou déchets organiques, grâce à des lombrics qui digèrent ces déchets et les transforment en engrais. C’est l’une des expériences phare de mon livre Comment j’ai sauvé la planète paru l’an dernier (Editions du Moment). En effet, l’initiation au compost chez les amis de Pierre Rabhi à Terre et Humanisme, en Ardèche, m’avait donné envie de créer un tel écosystème chez moi, en ville. Faute de pouvoir installer un grand bac pour mélanger déchets de cuisine et du jardin dans mon immeuble, j’avais dû me rabattre sur la formule d’appartement, et inviter des vers de terre dans ma cuisine. Après une invasion de moucherons, la boîte contenant le tout avait fini exilée sur mon balcon.

Cette expérience n’avait pas reçu une très bonne note dans mon livre : j’avais constaté que mes efforts pour réduire le poids de ma poubelle de 15 % environ, soit 50 kg par an, n’étaient encouragés par personne, sans compter que la boîte, composée de plusieurs étages, avait été payée par mes soins – près de 100 euros tout de même !

Certes, élever une colonie de vers n’était pas désintéressé : ces Eisenias, c’est leur nom, ont la particularité de digérer très vite toutes mes épluchures de fruits et légumes et de produire un terreau fertile pour mon minipotager, acquis dans le même temps. A vrai dire, j’utilise assez peu le terreau en question et j’ai parfois songé à me débarrasser de ce lombricompost. Las, personne n’a voulu adopter mes vers et je ne m’imagine pas les euthanasier. Ils ont passé deux hivers en pleine santé et une fois ou deux par semaine, je leur rends visite et leur donne à manger, soulevant avec un peu de dégoût le tapis en coco qui les recouvre (et qu’ils dévorent doucement).

Je devrais ramasser dans les bacs du bas le fameux engrais… Or, j’y trouve des poignées de vers et n’ai du coup pas vraiment le cœur à les enlever un par un. (Ah, si je pratiquais la pêche, je m’en servirais comme appâts…) « Tu n’as qu’à laisser les vers dans tes plants de tomates avec l’engrais, ils y mourront de leur belle mort, et ça attirera les oiseaux sur ton balcon », me lance Helder, l’expert en lombricompost. Directeur de l’Observatoire régional des déchets d’Ile-de-France, l’Ordif, il trouve qu’on devrait tenter une « tarification gratifiante » en ce qui concerne les déchets ménagers.

Les meilleurs déchets sont ceux qu’on ne produit pas

Car comment s’expliquer qu’un citoyen qui produit deux fois plus de déchets que la moyenne et ne trie pas soit taxé pour les ordures ménagères au même niveau que moi, qui réduis le poids de ma poubelle en achetant le moins emballé possible et en compostant au maximum ?

Non que je veuille absolument punir les mauvais élèves, mais je pense que si les comportements vertueux étaient récompensés, l’écologie aurait moins cette étiquette punitive qui lui colle à la peau. Il faut rappeler une réalité jamais agréable à entendre : les meilleurs déchets sont ceux qu’on ne produit pas.

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