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Les Etats d’Afrique veulent une plus grande part de la rente minière

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Les gouvernements des Etats miniers africains tentent de réformer leur fiscalité pour mieux profiter d’un secteur peu favorable à l’emploi et destructeur pour l’environnement, mais ils se heurtent à l’évasion fiscale des multinationales.

Travailleurs à la mine de cuivre et de cobalt de Kamilomben au sud de la République Démocratique du Congo, en juin 2023. Le pays produit 70 % du cobalt mondial. PHOTO : EMMET LIVINGSTONE / AFP

La transition énergétique a besoin de certains minerais en grandes quantités, qui sont à ce titre qualifiés de « critiques ». Pour les pays producteurs, dont plusieurs se trouvent en Afrique, l’exploitation minière comporte des enjeux économiques, environnementaux et sociaux cruciaux que met en lumière la dernière parution de L’Economie africaine, de l’Agence française de développement (AFD)1.

Le nouveau boom de l’exploitation minière se trouve principalement en Afrique centrale et australe. La République démocratique du Congo (RDC) et la Zambie se partagent par exemple la « Copperbelt », zone riche en cuivre mais aussi en cobalt, indispensable à la construction des batteries lithium-ion (70 % de la production mondiale vient de RDC)… 

  • 1. L'Economie africaine 2024, AFD, La Découverte, 2024.

La transition énergétique a besoin de certains minerais en grandes quantités, qui sont à ce titre qualifiés de « critiques ». Pour les pays producteurs, dont plusieurs se trouvent en Afrique, l’exploitation minière comporte des enjeux économiques, environnementaux et sociaux cruciaux que met en lumière la dernière parution de L’Economie africaine, de l’Agence française de développement (AFD)1.

Le nouveau boom de l’exploitation minière se trouve principalement en Afrique centrale et australe. La République démocratique du Congo (RDC) et la Zambie se partagent par exemple la « Copperbelt », zone riche en cuivre mais aussi en cobalt, indispensable à la construction des batteries lithium-ion (70 % de la production mondiale vient de RDC).

La révision des codes miniers

L’Afrique du Sud et son voisin septentrional, le Zimbabwe, sont des producteurs de platine et de chrome. On peut aussi citer Madagascar (graphite, terres rares) ou encore le Mozambique (graphite, titane) parmi les principaux pays concernés.

Les pays extracteurs se penchent depuis une dizaine d’années sur la réécriture de leurs codes miniers afin de capter une part plus importante de la rente minière.

« La vague de privatisation et de libéralisation des années 1990 combinée à la hausse des prix des métaux de la transition énergétique s’est traduite par une vague d’investissements miniers après 2005 », rappellent Julien Gourdon, Harouna Kinda et Hugo Lapeyronie, les auteurs du chapitre 4 de L’Economie africaine 2024.

A ce moment-là, les codes miniers ne sont pas adaptés et les gouvernements ont trop systématiquement mis en place des incitations fiscales en faveur des investisseurs. La réforme des codes a permis l’augmentation des redevances minières (paiement versé en échange du droit d’exploiter une mine) et des taxes en général.

Des recettes fiscales insuffisantes

Les finances publiques de ces pays peinent pourtant à en récolter les fruits. Rapportées au PIB, les recettes publiques ont diminué en moyenne pour l’Afrique du Sud, la RDC, la Tanzanie, la Zambie et le Zimbabwe sur la période 2010-2019.

Les trois économistes observent que les recettes fiscales sont significativement plus faibles que les rentes minières issues de l’extraction. Par exemple, en RDC, la rente minière représente 6,3 % du PIB tandis que le revenu de la fiscalité représente 1,8 % seulement sur la période 2010-2019.

15 pays d’Afrique perdent entre 450 et 730 millions de dollars par an en recettes fiscales à cause du transfert de bénéfices par les multinationales dans leurs filiales à l’étranger

La fiscalité minière reste confrontée à trois difficultés majeures : les faibles moyens des administrations fiscales et minières dans les pays africains, la course au moins-disant fiscal sur le continent et, en RDC, Zambie et Zimbabwe, la non-imposition du secteur artisanal.

Les auteurs soulèvent également le problème posé par les clauses de stabilisation présentes dans les anciennes conventions d’exploitation minière. Celles-ci figent les dispositions fiscales sur des périodes de dix à trente ans après la signature de la convention, garantissant aux entreprises exploitantes le maintien de leurs avantages fiscaux – même en cas de réforme des codes miniers.

Cependant, ils jugent que le « principal défi » demeure l’évasion fiscale organisée par les grands groupes miniers. Le FMI estimait en 2021 que 15 pays d’Afrique perdent entre 450 et 730 millions de dollars par an en recettes fiscales à cause du transfert de bénéfices par les multinationales dans leurs filiales à l’étranger. De plus, le cadre juridique du secteur minier n’est pas toujours à jour des derniers développements dans la lutte contre l’évasion fiscale.

Un lourd tribut environnemental

En se penchant sur la Copperbelt en particulier, les économistes montrent que les mines emploient peu, relativement à leur poids économique. Le secteur peine à absorber la démographie croissante de la zone. Du côté zambien, la région concentre le deuxième plus haut taux de chômage du pays (22,5 %).

En sus, il s’agit surtout d’emplois peu ou pas qualifiés – l’essentiel de la chaîne de valeur étant localisé à l’étranger.

En revanche, ce sont bien les communautés locales qui paient le prix environnemental de ces activités. Les mines occasionnent un défrichement important. Ainsi, les zones boisées de la région ont été réduites par un facteur de 3 entre 1979 et 2018 du côté de la RDC, diminuant à un rythme huit fois plus élevé que dans le reste du pays.

L’extraction entraîne en outre une production de déchets miniers et des pollutions sévères aux métaux lourds autour des sites de transformation.

« En l’absence d’un partage suffisant de la valeur ajoutée avec les territoires qui hébergent ces mines et de politiques efficaces de conservation de l’environnement, on peut s’interroger sur la continuité du contrat social implicite qui lie les compagnies minières et les communautés locales », s’interrogent finalement les auteurs.

  • 1. L’Economie africaine 2024, AFD, La Découverte, 2024.

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Commentaires (2)
EDDY 23/02/2024
Depuis quand les compagnies qui exploitent, "dans tous les sens du terme" les pays d'Afrique ont-ils un "contrat social" avec les populations et cela vaut avec les états qui les soutiennent ces mêmes entreprises y compris militairement comme la France dont on connait son attachement à l'universalisme.
FERNANDO FRANCO 25/02/2024
Absolument, cette édulcoration des procédés de colonisation laisse perplexe. Faut-il encore être certain que l'exigence de meilleurs conditions contractuelles pour ces États africains sugére les contextuelles sanctions très en vogue chez les occidentaux quand cela touche à leurs intérêts. C'est de plus en plus cruel que les territoires soient riches de ces minerais.
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