Berlin. La France et l’Allemagne sont sous le coup d’une procédure entamée par la Commission européenne concernant le salaire minimum dans le secteur des transports.Xavier POPY/REA
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Entretien

Transport routier : « Rien dans les traités ne justifie un nivellement social vers le bas »

3 min
Gilles Savary Député de la Gironde (PS)

La Commission européenne vient d’entamer des procédures contre les législations française et allemande sur le salaire minimum dans le secteur des transports. Entretien avec Gilles Savary, député de la Gironde et auteur de la loi française de lutte contre la concurrence sociale déloyale.

Comment réagissez-vous à la plainte déposée par la Commission européenne contre les dispositions dont vous êtes à l’origine en matière d’application du salaire minimum dans les transports ?

Je suis extrêmement surpris par l’annonce, ce matin par la commissaire européenne au Marché intérieur, Mme Elzbieta Bienkowska, du déclenchement d’une procédure d’infraction à l’encontre de la France concernant le décret d’application de l’article 281 de la loi « Macron » relatif à la rémunération et aux conditions de travail applicables aux salariés roulants et navigants détachés sur notre territoire. Par ce décret, qui entrera en vigueur le 1er juillet prochain, la France se limite strictement à transposer au transport routier de marchandises ce qu’elle a mis en place dans tous les autres secteurs en matière de détachement de travailleurs, par l’adoption de la loi « Savary » du 10 juillet 2014, avec cependant une procédure administrative allégée eu égard au caractère hautement mobile de cette profession.

De quoi s’agit-il exactement ?

La législation française imposera à partir du mois prochain que tout chauffeur routier détaché en France, par son entreprise ou par une société d’intérim, bénéficie des conditions minimales de rémunération et de travail prévues par notre code du travail, en cohérence avec la directive « détachement » de 1996. Il est injustifiable en effet que le secteur routier échappe à cette règle et fasse l’objet d’un dumping social forcené qui génère des conditions de travail dégradantes. Ce qui introduit une distorsion de concurrence insoutenable au sein du marché intérieur européen et constitue le vecteur de multiples fraudes.

Cela freine-t-il vraiment la concurrence commerciale ?

Pas du tout. A l’inverse des dispositions mises en place en Allemagne, ce décret ne contredit nullement en particulier le règlement européen n° 1072/2009 qui autorise trois opérations de cabotage sur une durée de sept jours sur le trajet retour d’un transport international. Il est d’autant plus inconcevable de reprocher à la France une législation nationale, que, dans le même temps, onze Etats membres, arguant du principe de subsidiarité, essaient de faire échouer la proposition de révision de la directive « détachement » présentée par la commissaire européenne pour l’Emploi, Marianne Thyssen, en mars dernier. Ils tentent de bloquer cette révision en déclenchant la procédure dite du « carton jaune » (NDLR : procédure par laquelle les parlements nationaux peuvent exercer un contrôle de subsidiarité et demander à la Commission d’interrompre un processus législatif s’il contrevient à ce principe). Rien dans les traités constitutifs du marché intérieur européen ne justifie que la concurrence s’exerce par le nivellement social et la mise en danger de nos systèmes de protection sociale, plutôt que par l’innovation et la qualité de service.

Comment doivent réagir les autorités françaises ?

Si la question des travailleurs détachés en Europe ne trouve pas une solution politique, en particulier pour ce qui concerne les prestations de service internationales, alors l’Union européenne s’exposera à la multiplication de législations nationales unilatérales.

Propos recueillis par Guillaume Duval

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Commentaires (2)
BOUREL 16/06/2016
L'Union européenne veut à tout prix casser le le modèle social français , ici c'est contre le SMIC dans le secteur des transports pour les travailleurs détachés . Le code du travail est aussi dans le viseur de la Commission Européenne qui essaie de pousser le gouvernement français à le vider de son contenu pour supprimer les protections des travailleurs français. Si la commission européenne continue dans ce sens, de l'ultra libéralisme, d'autres pays vont faire comme le Royaume uni et vont organiser un referendum pour sortir de L'Union Européenne.
FRANCOIS 16/06/2016
"Rien dans les traités ... ne justifie que la concurrence s’exerce par le nivellement social" Peut-être mais rien ne s'y oppose non plus. Cette Europe légétimise et favorise le moins-disant social. Pour améliorer une soit-disant compétitivité européenne au niveau de la planète, cette europe organise la destruction des meilleurs régimes sociaux nationaux. Quant aux lois régissant le travail, les mêmes changements qui interviennent de façon presque synchrone en Grèce, en Italie, en Espagne et actuellement en France démontrent assez clairement que la ligne nous est imposée par cette Europe libérale. Oui à l'Europe, Mais pas celle-là!
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