Idées

Feu le marché du carbone ?

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En l'état, les négociations entre les Vingt-Huit ne permettent pas de relever le prix trop bas du CO2.

Les Européens disent vouloir neutraliser leurs émissions de gaz à effet de serre dans la seconde moitié du siècle, mais ils ne s’en donnent toujours pas les moyens. Un rapport de l’I4CE (Institute for Climate Economics) analyse les propositions toujours en cours de négociation pour la prochaine période d’application du système d’échange de quotas d’émission, les années 2021-2030. Ce mécanisme phare de la politique climatique européenne a été mis en place il y a douze ans pour réduire les émissions du secteur électrique et de l’industrie lourde, soit la moitié des émissions de CO2 de l’Union. Il consiste à allouer aux entreprises assujetties des quotas d’émission dégressifs d’année en année, les entreprises pouvant conserver, acheter ou vendre les quotas inutilisés. Cependant, dit en substance l’I4CE, au vu des propositions présentées par la Commission (juillet 2015), puis par le Parlement et le Conseil (février 2017), cet outil ne jouera aucun rôle dans la baisse de 2,2 % par an (voire de 2,4 % si la proposition du Parlement est retenue) qui devrait être imposée aux industriels sur la prochaine décennie.

En effet, souligne le rapport, les propositions sur la table ne permettront pas de réduire la surabondance des quotas en circulation (du fait des surallocations passées) avant la fin des années 2030. Et le prix du CO2 devrait rester quasiment nul sur toute la prochaine décennie.

Prix plancher

Cette absence de contrainte carbone ne devrait pas empêcher l’Union de respecter ses objectifs de baisse des émissions à horizon 2030, dans la mesure où se poursuivra la dynamique actuelle de développement des énergies renouvelables et d’amélioration de l’efficacité énergétique. En revanche, l’Europe risque de manquer ses objectifs de plus long terme (une baisse de 90 % en 2050 par rapport à 2005). En effet, il va falloir maintenir après 2030 le rythme de baisse des émissions alors que les efforts pour éviter d’émettre une tonne de CO2 sont de plus en plus coûteux au fur et à mesure que s’épuise le gisement des économies faciles à réaliser. Par ailleurs, avec la perspective d’un marché européen du carbone qui devrait être (enfin) purgé de ses surplus, le prix du CO2, après avoir été quasi nul jusque-là, pourrait se mettre à flamber au cours des années 2030. Ce qui pourrait au final pousser les Etats à renoncer à leurs ambitions climatiques.

Eviter ce scénario catastrophe nécessiterait de lisser dans le temps le coût des efforts. D’où la proposition portée entre autres par I4CE d’imposer dès à présent un "corridor" de prix du CO2 en Europe, comme l’a déjà fait avec succès le Royaume-Uni, avec un prix plancher qui augmenterait graduellement. Ce projet est-il porté politiquement ? "La France veut avancer et on entend à Bruxelles une petite musique qui commence à s’amplifier", note Emilie Alberola, l’un des auteurs du rapport. Le sommet climat qu’a voulu organiser Emmanuel Macron à Paris le 12 décembre est à cet égard très attendu.

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