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Google investit le marché du travail

4 min
PHOTO : ©ISTOCK

Cartes, musique ou encore gestion d’agenda,… Google accompagne l’internaute au quotidien avec les applications et fonctionnalités qu’il développe. Mais jusqu’à présent, le moteur de recherche était resté en-dehors de la sphère du marché du travail. Il laissait faire les agrégateurs d’offres d’emploi, comme Indeed, qui reprenaient alors le propre modèle de Google : ces sites rassemblent sur une même interface un grand nombre d’offres d’embauche qui sont disséminées sur des centaines de pages web.

Un agrégateur Google

Mais désormais, le célèbre moteur de recherche passe à la vitesse supérieure. Il développe actuellement en test fermé Cloud Jobs API (Application Programming Interface, soit une interface de programmation), un dispositif cherchant à créer un langage commun pour rassembler toutes les offres et demandes d’emploi sous une même nomenclature. « Actuellement, le vocabulaire lié aux offres d’emploi est très hétérogène et évolutif. Google cherche à créer une forme de dictionnaire pour faire correspondre offres et demandes d’emploi », explique Yannick Fondeur, chercheur au Centre d’études de l’emploi et du travail (CEET) et auteur d’un article sur Google et le marché numérique du travail

« C’est un système de nomenclatures très fines », ajoute-t-il. Un système bien plus développé que celui utilisé par Pôle Emploi, le « Rome », pour classer les offres. Selon Yannick Fondeur, Google envisagerait de créer 250 000 intitulés d’emplois, alors que le Rome n’en compte « que » 11 000.

« Google chercherait à mettre en place son propre agrégateur d’offres d’emploi »

Mais la conception de ce langage commun laisse présager une plus forte implication sur le marché numérique du travail. « Google a annoncé le 17 mai la mise en place de son propre agrégateur d’offres d’emploi », confie le chercheur du CEET. Cette « Google For Jobs » a de quoi faire de la concurrence aux acteurs déjà installés : les diffuseurs primaires d’offres d’emploi (les entreprises qui disposent d’un site d’emploi propre et surtout les job boards, les sites d’emploi de type Monster) pourraient, par exemple, se passer des services d’Indeed, leader dans le secteur.

Récupérer le référencement payant

L’intérêt du moteur de recherche est bien sûr économique. « Les agrégateurs d’offres d’emploi comme Indeed captent actuellement une partie des revenus de Google : ils font payer aux diffuseurs primaires d’offres d’emploi, au coût par clic, les flux de candidats qu’ils leur renvoient. En créant son propre agrégateur, Google pourrait récupérer une partie des revenus de référencement payant », explique Yannick Fondeur. Ainsi, les entreprises payeront pour apparaître sur les premières pages (voire les premières lignes) du futur agrégateur lorsque les internautes taperont des mots-clefs correspondant à leur offre. 

Les offres d’emploi des entreprises qui peuvent investir dans le référencement payant sont plus visibles

Le nouveau poids de Google sur le marché numérique du travail pourrait perturber le fonctionnement de ce dernier. « Le référencement payant est une forme de distorsion de l’accès à l’information sur le marché du travail. Il donne plus de visibilité aux offres d’emploi des entreprises qui peuvent investir dans ce référencement », détaille ce spécialiste du numérique.

Et cette hiérarchisation n’est pas gage de qualité. « On imagine mal Google contrôler la qualité des offres d’emploi », ajoute le chercheur. Mais ces problèmes ne sont pas nouveaux : avec les agrégateurs actuels, ces distorsions existaient déjà. Jusqu’à présent, elles étaient limitées : si plus de 80% des personnes cherchent un travail sur le web, seulement 7% des  salariés ont trouvé un emploi par ce biais. Mais l’arrivée de Google sur le marché du travail pourrait changer la donne.

cet article initialement publié le 16/05/2017 a été 

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Commentaires (2)
Prosper 19/05/2017
Pour mieux comprendre vous pouvez consulter l'étude de Pôle emploi parue en début d'année : « Quel usage des outils numériques pour la recherche d'emploi ? ». Certes, 88% des demandeurs d'emploi mobilise Internet pour consulter les offres, connaître les entreprises, etc. Mais c'est le contact direct avec l'entreprise, la mobilisation des réseaux personnels, qui restent les plus efficaces. Il s'agit d'une logique complémentaire...
Sim 16/05/2017
Un truc me choque profondément dans cet article : "80% des gens cherchent du travail sur internet, seulement 7% ont trouvé leur emploi par ce biais" Comment est-ce possible ? Je crois que je ne connais pas une seule personne dans mon entreprise ou les deux précédentes qui aie trouvé son emploi autrement... Je suis jeune, certes ( 24 ans, en emploi depuis 4 ans ) m'enfin tous mes collègues ne le sont pas...
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