Les gorilles accaparent la terre

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Créé en 1924 par les Belges, le parc national des Virunga est le plus ancien d’Afrique. Situé dans l’est de la République démocratique du Congo, à la limite des frontières ougandaise et rwandaise, il est célèbre pour ses gorilles des montagnes. Sa faune variée et unique au monde lui a valu d’être classé au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco. Mais depuis 1994, c’est un patrimoine en péril.

Le parc est situé dans une zone de forte tensions régionales qui ont de graves conséquences sur son écosystème. Ainsi, lors du génocide rwandais en 1994, des millions de personnes se sont réfugiées sur ces terres pour fuir les combats. La plupart d’entre elles ont, par la suite, regagné leur pays. Mais les anciens membres des forces armées hutues rwandaises compromis dans le génocide, sont restés. Une grande partie d’entre eux, devenus les FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda), ont pris leurs quartiers dans le parc, où ils se sont livrés à des activités de braconnage. Plus problématique encore, les rebelles hutus rwandais ont instauré un trafic de makala (charbon de bois), menaçant le parc de déforestation.

Organisés en véritable mafia, certains ont tué des gorilles en représailles aux actions de répression qu’essaient de mener, tant bien que mal, les 650 gardiens du parc. En pratique, ces gardiens, sans armes, dépendent entièrement, pour faire leur travail, du soutien des ONG internationales, qui financent l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN). Cent trente gardiens ont été tués ces dix dernières années dans l’exercice de leurs fonctions. La récente opération conjointe des armées congolaise et rwandaise pour chasser les rebelles hutus rwandais des FDLR (lire p. 16) leur a donné un léger répit. Mais même si les rebelles ne reviennent pas, les gestionnaires du parc ont conscience que le problème reste entier : faute d’autre combustible disponible, ou d’argent pour en acheter, les habitants de la région utilisent massivement le charbon de bois. " Nous avons lancé un projet visant à récupérer des copeaux de bois pour en faire des galettes, ce qui remplacerait idéalement le makala ", explique Samantha Newport, responsable de communication de l’ICCN, chargé de la gestion du parc. Une idée intéressante, mais qui paraît difficile à intégrer dans les habitudes locales.

Outre le braconnage et le makala, la forêt est menacée dans son existence même par la pression foncière qui frappe la région. De nombreux habitants se plaignent de ne pouvoir exploiter les terres d’un parc qui couvre plus de 790 000 hectares. Certains d’ailleurs bravent les interdits et grappillent quelques mètres. " Nous ne comprenons pas pourquoi les gorilles seraient mieux traités que nous ", témoigne une jeune femme, exaspérée de ne pas disposer de terre pour nourrir ses enfants. Durant la guerre, le tourisme autour des gorilles est certes demeuré l’une des rares sources de devises qui restait au Congo. Mais dans un Etat déliquescent, où la distribution des terres est inégale et la pauvreté endémique, préserver l’environnement est un défi.

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