Décryptage

La Bourse chinoise dévisse: une nouvelle crise en vue?

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Les places financières chinoises ont déjà perdu plus de 30% en quelques mois, soit l’équivalent de 3000 milliards de dollars. PHOTO : Cpressphoto (China out)/ZUMA/REA

Les Bourses de Shanghai et Shenzhen s’effondrent depuis un mois. Après un léger sursaut il y a deux semaines, les cours ont replongé, perdant 8,5 % en une seule séance lundi 27 juillet. Au total, les places financières chinoises ont déjà perdu plus de 30 %, soit l’équivalent de 3 000 milliards de dollars. Le krach actuel n’est pourtant pas une surprise compte tenu des problèmes structurels de l’économie chinoise.
 



1/ Comment en est-on arrivé là ?

Les places financières chinoises ont explosé ces dernières années, poussées par la libéralisation contrôlée de l’économie. Shanghai et Shenzhen ont connu une croissance de 150 % en 2014, leur capitalisation dépasse dorénavant les 10 milliards de dollars, contre à peine 2 milliards six ans auparavant. Cette hausse a été rendue possible par un afflux de capitaux, venus des petits porteurs, ce qui a permis de stimuler la croissance chinoise. Rien que depuis début mai, environ 5 millions de particuliers sont entrés sur le marché, portant le nombre total d’investisseurs à 90 millions. Au cours des cinq derniers mois, le total des actifs gérés par un fonds commun de placement chinois a presque doublé, de 720 millions de dollars à plus de 1,2 milliard de dollars.

Une partie de ces investissements a été réalisée grâce à l’endettement auprès de maisons de courtage. C’est ce que l’on appelle des « opérations sur marge » : un prêt d’argent pour une période donnée, avec l’espoir de le rembourser grâce à ses gains futurs. Un pari qui peut coûter cher à l’emprunteur. Depuis janvier, la valeur des prêts sur marge en circulation a doublé, pour atteindre environ 350 milliards de dollars, selon les données de l’université de Stratford.

Il faut dire que les gains proposés sur les marchés financiers avaient de quoi séduire les Chinois, qui n’ont pas, ou peu, d’assurance maladie et d’assurance retraite et qui doivent donc compter sur leurs économies pour assurer leurs vieux jours.

Le problème est que les sociétés cotées ont été surévaluées. Leur cours en Bourse n’avait plus grand-chose à voir avec leur performance économique. Et cette bulle a fini par éclater : les investisseurs particuliers, qui détenaient 22 % des actions cotées à la Bourse de Shanghai, ont commencé à vouloir récupérer leurs mises, les ventes se sont multipliées, créant un vent de panique et la chute des cours.

 



2/ Que fait l’Etat pour éviter le krach ?

La Chine, même sur les marchés boursiers, est une économie très contrôlée. A titre d’exemple, une entreprise ne peut pas voir son cours chuter de plus 10 % par jour. Le risque de contagion à l’économie réelle est donc assez limité, mais pas totalement écarté. Pour Wei Yao, économiste à la Société générale, il est probable que l’on se dirige vers un « assainissement des marchés financiers, qui ont besoin de plus de maturité et d’une surveillance accrue, notamment sur les effets leviers », c’est-à-dire plus de contrôle des opérations sur marge. Toutefois, la mutation risque d’être douloureuse.

Les autorités ont, pour le moment, décidé d’interdire aux actionnaires possédant plus de 5 % des actions d’une entreprise de vendre leurs parts pendant six mois. Une centaine de grands groupes étatiques ont interdiction de vendre les actions de leurs filiales cotées. La Commission chinoise de régulation des marchés financiers (CSRC) a suspendu toute nouvelle cotation. 21 maisons de courtage se sont engagées à investir 17,5 milliards d’euros sur les places chinoises et à ne pas vendre leurs participations afin de soutenir les cours.

Afin de soulager les petits porteurs, la banque centrale a arrosé en liquidités la société publique de financement des investissements sur marge. Jusqu’à la moitié des entreprises ont préféré suspendre leur cotation (soit près de 1 400 sociétés). Selon la presse chinoise, 17 banques ont prêté pour plus de 190 milliards d’euros au fonds du régulateur chinois (China Securities Finance), dont 28 milliards par la seule Merchants Bank, sixième établissement du pays. Les efforts ont payé : les deux places financières ont repris 12 % depuis leur plus mauvais résultat du 8 juillet.

Mais attention, si ces actions ont porté leurs fruits pendant un court laps de temps, les investisseurs se rendent bien compte que la cure imposée par le gouvernement ne peut durer qu’un temps. Et qu’ensuite, les problèmes structurels de l’économie chinoise reprendront le dessus. Ils anticipent déjà le moment où l’Etat se retirera et essayent de sauver ce qui peut encore l’être en revendant leurs actions pour en tirer quelques gains.


3/ Quel risque pour l’économie mondiale ?

A l’échelle internationale, l’impact semble assez limité pour le moment. En Asie toutefois, la durée de la crise commence à impacter Hongkong, ainsi que Tokyo et dans une moindre mesure Mumbai. En Europe, les investisseurs restent focalisés sur les négociations avec la Grèce. Aux Etats-Unis, la Bourse restait stable. L’économie mondiale n’est toutefois pas hors de danger. Une nouvelle chute des indices chinois pourrait faire plonger durablement les marchés asiatiques, ce qui pourrait provoquer un effet domino à travers le monde.
 

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