Agir

Kinshasa (RD Congo) : enfants "sorciers", boucs émissaires

2 min

Dans Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo, où la guerre - qui sévit depuis 1998 à l’Est - et la longue décomposition économique et politique ont déjà jeté des milliers de gamins hors de chez eux, une nouvelle catégorie d’enfants des rues est apparue depuis le début des années 2000 : les enfants sorciers. Véritables boucs émissaires des malheurs familiaux, rendus responsables du chômage, de la sécheresse, des maladies, ils n’ont souvent pas plus de 10 ans.

Ces enfants sont pris pour cibles dans un ordre familial mis à mal par l’urbanisation et l’évolution des moeurs, sur fond de pauvreté. En effet, selon une enquête 1, 80 % des enfants dits "sorciers" viennent d’une famille où le chef de ménage n’est pas leur parent biologique. Accessoirement, leur exclusion permet d’avoir une bouche en moins à nourrir. Mais Rémi Mafu, directeur d’un réseau d’éducateurs d’enfants de la rue, lui, pointe du doigt la responsabilité des Eglises de réveil (une des formes d’Eglise évangélique les plus répandues au Congo) que fréquentent les familles de 75 % des enfants concernés.

"Quand les familles ont des problèmes, elles vont voir leur pasteur, qui leur dit : "Un de vos enfants est sans doute un sorcier", explique Rémi Mafu. Le pasteur leur propose alors de l’exorciser, ils lui versent des sommes folles, et évidemment, ça ne marche pas." Sous la pression de l’entourage, l’enfant est alors rejeté par sa famille, avec souvent menaces et violences à l’appui.

Stigmatisé, le proscrit n’a en général qu’une idée en tête : réintégrer sa famille. Mais pour les travailleurs sociaux, réunir parents et enfants n’est pas chose aisée. Car aux yeux des adultes, oser récupérer leurs enfants signifie prendre le risque de se couper de leur communauté. L’enfant est rejeté même par ses camarades, car il porte sur lui la culpabilité d’être un "sorcier". "Si nous laissons les familles aux mains des pasteurs, nous ne pourrons pas enrayer le phénomène", analyse Rémi Mafu. Offrir une écoute à la misère des parents démissionnaires, tel est l’objectif désormais des ONG congolaises.

  • 1. "La violence faite à l’enfant dit sorcier à Kinshasa", de Perpétue Madungu Tumwaka, Institut national de la statistique, Kinshasa.

À la une

Laisser un commentaire
Seuls nos abonnés peuvent laisser des commentaires, abonnez-vous pour rejoindre le débat !