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Des Iraniennes lèvent le voile

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Les Iraniennes retirent leur voile pour publier la photo de leur geste sur Facebook PHOTO : Stealthy Freedom of Iranian Women

« Je n’ai pas peur », « dès que possible, je laisse le vent caresser mes cheveux »… Depuis mai 2014, des milliers d’Iraniennes ont retiré leur voile islamique dans la rue, à la plage ou sur des sites touristiques, le temps d’une photo, pour la publier sur la page Facebook Stealthy Freedom of Iranian Women (Liberté furtive des femmes iraniennes). Plus de 730 000 personnes sont abonnées à cette page où les posts sont désormais quotidiens. « Personne n’a réagi quand j’ai enlevé mon voile, pas même le personnel du restaurant alors qu’ils ont tendance à vous demander de le remettre pour éviter d’avoir des problèmes avec la police », écrit l’une d’elles. Une autre dévoile ses cheveux courts en faisant le V. de la victoire dans une station de métro, non loin d’un mollah indifférent.

Alors elle danse...

Sur My Stealthy Freedom, on trouve aussi une vidéo d’une jeune femme qui danse dans le métro. Et la page relaie d’autres mouvements de la société civile iranienne. Ainsi, à l’occasion de la journée des étudiants, ont été postées des images d’hommes voilés, en hommage au jeune opposant Majid Tavakoli, accusé par le régime de s’être déguisé en femme pour tenter de s’enfuir. On y voit aussi les manifestations de masse qui ont accompagné l’enterrement de la pop star iranienne Morteza Pashaei en novembre. Les rues de Téhéran n’avaient pas connu un tel mouvement de foule depuis les protestations de 2009 contre la fraude électorale mise en œuvre par l’ancien président Ahmadinejad.

Une situation contrastée

Est-ce à dire que le carcan de la République islamique se fissure imperceptiblement ? Obligatoire depuis la révolution de 1979 pour toutes les femmes dans l’espace public, le port du voile dans l’espace public est un symbole fort de la mainmise des religieux sur le pouvoir. Mais comme tout symbole, il est ambivalent et doit être manié avec prudence. Ainsi, l’uniforme islamique, voile et imperméable, peut être analysé comme une modernisation de la tenue traditionnelle des femmes en Iran, le tchador, un long tissu qu’elles sont obligées de retenir à la main. Son objectif était de permettre aux femmes révolutionnaires de manifester, prendre les armes et d’occuper l’espace publique.

La situation des femmes en Iran est contrastée

D’ailleurs, leur situation en Iran est contrastée et a progressé sur de nombreux plans depuis l’instauration de la République islamique. Aujourd’hui, le taux de scolarisation des Iraniennes est de 62 %, elles représentent la moitié des étudiantes à l’université, se marient tard et ont peu d’enfants, avec une fécondité comparable à celle des Françaises. Seul leur taux d’activité demeure faible, dans une économie dominée par la rente pétrolière et qui de ce fait créée peu d’emploi : il plafonne à 16,5 %.

Attentats à l’acide

Ces gestes révèlent à quel point la loi islamique est désormais peu adaptée à l’évolution globale d’une société très moderne sur de nombreux plans

On ne voit que peu de femmes des classes populaires sur My Stealthy Freedom. Mais ces gestes révèlent à quel point la loi islamique est désormais peu adaptée à l’évolution globale d’une société très moderne sur de nombreux plans. Cette société demeure toutefois clivée, comme l’ont montré les attentats commis sur des femmes en octobre à Ispahan. Plusieurs d’entre elles ont été défigurées par des inconnus qui leur ont lancé de l’acide au visage. Des manifestations, relayées par My Stealthy Freedom, ont réclamé l’arrestation des coupables. Le Président Rohani, de tendance modérée, a réagi en condamnant ces actes. Et le ministre de la Santé, ophtalmologue de profession, s’est rendu au chevet d’une des victimes pour l’examiner en personne. Mais des dizaines de manifestants ont été arrêtés pour troubles à l’ordre public alors que les agresseurs de ces femmes courent encore.

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