Initiative

Quand l’agriculture préserve l’eau

4 min

En Ille-et-Vilaine, la collectivité Eau du bassin Rennais, en charge de la distribution d’eau potable, aide les agriculteurs à mieux préserver l’eau des rivières. En contrepartie, leurs produits sont valorisés.

C’est l’histoire d’un cercle vicieux devenu vertueux. Comme souvent avant l’initiation d’une action, un constat s’impose : avec une sécheresse croissante, le ruissellement des produits phytosanitaires dans les rivières s’intensifie, polluant l’eau encore davantage et rendant sa potabilisation plus ardue. Alors, que faire ? Investir dans des systèmes de potabilisation plus perfectionnés ou attaquer le problème à la source ? C’est là que naît l’idée de Terres de sources.

Nous sommes en 2011. Le projet : aider les agriculteurs à changer leurs pratiques...

C’est l’histoire d’un cercle vicieux devenu vertueux. Comme souvent avant l’initiation d’une action, un constat s’impose : avec une sécheresse croissante, le ruissellement des produits phytosanitaires dans les rivières s’intensifie, polluant l’eau encore davantage et rendant sa potabilisation plus ardue. Alors, que faire ? Investir dans des systèmes de potabilisation plus perfectionnés ou attaquer le problème à la source ? C’est là que naît l’idée de Terres de sources.

Nous sommes en 2011. Le projet : aider les agriculteurs à changer leurs pratiques et, en contrepartie, valoriser leurs produits via un label garantissant qu’ils s’engagent pour la protection de l’eau. Très vite, la restauration collective dans les collectivités locales s’impose comme le débouché prioritaire pour les produits des exploitants investis dans la démarche.

Avant cela, il a fallu construire un cahier des charges pour les exploitants agricoles en privilégiant ceux se trouvant en amont des captages.

« On analyse avec eux leur souhait de faire évoluer leur système de production et leur capacité à fournir des produits intéressants pour la restauration collective. On fait ensuite appel à un conseiller agricole pour un diagnostic global de l’exploitation. Forts de ces données, l’agriculteur élabore une démarche de progrès sur trois et six ans, que nous accompagnons », explique Daniel Helle, en charge de Terres de sources au sein de la collectivité Eau du bassin Rennais. Ce syndicat mixte gère le service de l’eau pour sept communautés de communes, soit 75 communes du territoire, dont l’agglomération de Rennes.

Concrètement, les agriculteurs s’engagent à utiliser moins d’engrais, d’antibiotiques ou de pesticides mais aussi à développer de l’alimentation végétale, telle que le sarrasin qui ne nécessite aucun produit phytosanitaire, à diversifier l’assolement des productions, à allonger les rotations à l’échelle d’une parcelle ou de l’exploitation... Le tout permettant d’assainir les sols cultivables.

Il faut noter que le passage au bio n’est pas obligatoire. Et que Terres de sources fonctionne comme une marque, reconnue localement.

Création de la Scic

En 2015, un premier marché public est signé entre Rennes métropole et trois producteurs (laitage et porc). En 2017-2018, un deuxième marché public engage 15 communautés de communes et 20 producteurs dont des filières ; il en va ainsi du blé, labellisé du champ au pain fabriqué par le boulanger. Aujourd’hui, Terres de sources, ce sont 61 communes d’Ile-et Villaine, 120 agriculteurs engagés, tous secteurs confondus (viande, maraîchage, céréales, etc.), 18 transformateurs (des meuniers par exemple) et plus de 700 lignes de produits.

Une montée en charge rendue possible grâce à la création d’une Société coopérative d’intérêt collectif (Scic), nommée Terres de sources, en février 2022. La coopérative associe les salariés, les agriculteurs, les transformateurs, les collectivités...

Sa raison d’être, c’est Frédéric Bodiguel, son coordinateur, qui l’explique :

« Nous achetons les produits à prix fixés par les agriculteurs et nous trouvons les débouchés – essentiellement la restauration collective aujourd’hui – pour les revendre. Ensuite, grâce à un partenaire local, nous gérons la logistique : nous organisons l’acheminement des produits de la ferme jusqu’à la plateforme logistique puis la préparation des commandes qui sont ensuite livrées aux clients. »

Qui dit cahier des charges, dit moyens mis en œuvre par les producteurs pour le respecter. Si un agriculteur nourrit ses bêtes avec des aliments de meilleure qualité sans huile de palme ou OGM, cela engendre un surcoût qui a un effet sur le prix de vente.

« Mais l’agriculture productiviste a un impact sur l’environnement. Préserver l’eau, notre bien commun à tous, et rendre l’activité agricole plus propre, nécessite des efforts financiers ; c’est un choix à faire. », explique Frédéric Bodiguel.

Et demain ?

La Scic compte aujourd’hui trois salariés et 105 associés. Un comité stratégique composé de treize personnes, issues des différents collèges (agriculteurs, transformateurs, collectivités...), assure une gouvernance collective.

L’impact sur la qualité de l’eau est difficile à évaluer car les exploitations labellisées – 120 sur les 2000 existantes sur le territoire – sont encore trop peu nombreuses.

Reste à savoir si cela fonctionne sur le plan économique. Là encore les chiffres manquent, l’activité commerciale n’ayant réellement démarré qu’en janvier 2023. « Vendre les services associés au label – l’accès aux producteurs, l’acheminement des denrées... – c’est viable », répond le coordinateur.

Alain Reslou, producteur de porcs et de grandes cultures, labellisé depuis quatre ans, y voit plusieurs aspects positifs :

« Terres de sources nous permet de rendre nos exploitations plus vertueuses et d’en tirer une plus-value. C’est une reconnaissance du travail fourni. Et puis, via la création des filières, nous maîtrisons tout le processus de production et c’est nous qui fixons les prix. »

L’objectif de Frédéric Bodiguel d’ici deux ou trois ans : livrer des magasins et étendre la zone de chalandise à d’autres départements bretons.

Cet article a été publié dans le cadre d’un partenariat avec le groupe Vyv.

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Commentaires (1)
Françoise CLERC 11/11/2023
Maîtriser la filière, c'est probablement l'avenir, quel que soit le mode d'organisation. L'agriculture doit redevenir paysanne et s'affranchir des intermédiaires qui s'engraissent sur le dos des producteurs comme des consommateurs. AE pourrait-il produire un dossier récapitulant les principales solutions mises en œuvre dans ce sens, les freins et les évolutions (législative, financière et réglementaire...) nécessaires pour soutenir cette politique ?
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