Education

L’école française ne sait plus à quel rythme se vouer

7 min

Des vacances d’été raccourcies ? Des semaines à quatre ou quatre jours et demi ? Dix ans après la réforme instaurant la semaine de quatre jours et demi d’école, la France a toujours autant de mal à trouver la bonne formule sur les rythmes scolaires.

En déclarant, dans un entretien au Point, le 23 août, qu’il y a « trop de vacances » et qu’il « faut qu’on puisse (…) faire rentrer dès le 20 août [les élèves] qu’on aura évalués, et qui en ont besoin », pour pouvoir faire « du rattrapage », Emmanuel Macron a ravivé un débat vieux comme l’Education nationale : les rythmes scolaires.

L’annonce du président s’apparente en réalité à un dispositif d’ores et déjà existant : le « stage de réussite », instauré par Jean-Michel Blanquer en 2020 dans le cadre des Vacances apprenantes… 

En déclarant, dans un entretien au Point, le 23 août, qu’il y a « trop de vacances » et qu’il « faut qu’on puisse (…) faire rentrer dès le 20 août [les élèves] qu’on aura évalués, et qui en ont besoin », pour pouvoir faire « du rattrapage », Emmanuel Macron a ravivé un débat vieux comme l’Education nationale : les rythmes scolaires.

L’annonce du président s’apparente en réalité à un dispositif d’ores et déjà existant : le « stage de réussite », instauré par Jean-Michel Blanquer en 2020 dans le cadre des Vacances apprenantes. Il s’agit d’un stage de quelques jours à la fin des vacances scolaires durant lequel des élèves, collégiens ou lycéens, peuvent, avec l’accord des parents, revoir quelques fondamentaux, mais aussi participer à des activités artistiques ou sportives en amont de la rentrée scolaire. En 2022-2023, ils ont été 300 000 à y participer, encadrés par 40 000 enseignants, volontaires eux aussi, selon les chiffres du ministère de l’Education.

Un procédé qui ne date pas d’hier. Il s’inscrit dans la continuité de « L’école ouverte », initiée en 1991 par Lionel Jospin, alors ministre de l’Education, qui proposait aux élèves ne partant pas en vacances de participer à des activités éducatives à la fin du mois d’août dans l’établissement qu’ils fréquentent.

Quoi qu’il en soit, du côté des syndicats enseignants, la « méthode » du président de la République passe mal. A quelques jours de la rentrée scolaire, marquée une nouvelle fois par le manque d’enseignants, ces déclarations ont eu de quoi crisper des professeurs à bout.

« Emmanuel Macron fait abstraction de l’importance de ce qui se joue en dehors de l’école, et ce sont forcément les enfants issus des milieux populaires qui sont ici stigmatisés puisqu’ils n’ont pas les moyens de partir en vacances », regrette Guislaine David, cosecrétaire générale du Snuipp-FSU, le syndicat majoritaire des enseignants du premier degré. Surtout, « les grandes difficultés de certains élèves ne se règlent pas en quinze jours supplémentaires », défend-elle.

Secrétaire national du syndicat SE-Unsa, Jérôme Fournier déplore également cette « catégorisation » des élèves qui « discrimine » : « Ce n’est pas la bonne réponse, nous devons plutôt collectivement réfléchir aux rythmes scolaires dans leur ensemble. »

Le casse-tête des rythmes scolaires

Le président de la République semble en tout cas avoir quelques idées sur le sujet. En déplacement à Marseille le 27 juin, il indiquait vouloir « repenser » le temps scolaire et notamment la durée des vacances d’été au motif que les journées des élèves sont trop chargées. Deux jours plus tôt il annonçait pourtant l’ouverture progressive des collèges entre 8 h et 18 h dans les quartiers d’éducation prioritaire pour lutter contre « l’inégalité scolaire ».

Le problème, c’est que « ce n’est pas seulement un débat qui concerne le monde éducatif, c’est l’ensemble de la société qui est concernée », résume Guislaine David du Snuipp-FSU en référence aux différents intérêts pas toujours évidents à concilier. À commencer par ceux de l’industrie du tourisme qui a tout intérêt à maintenir les différentes zones de vacances scolaires afin d’accueillir des vacanciers durant plusieurs semaines. Mais aussi les collectivités locales, puisque l’allongement des temps scolaires nécessite des financements de cantine, de ménages, et surtout la tenue d’activités périscolaires.

En 2008, le ministre Xavier Darcos avait instauré la semaine de quatre jours dans les écoles maternelles et primaires, mettant fin à l’école le samedi matin et faisant passer le temps scolaire de 26 à 24 heures par semaine. « A ce moment-là, les collectivités voient un intérêt : moins de chauffage, moins de transports scolaires, moins de cantine, et donc des économies », souligne Jean-Paul Delahaye, ancien directeur général de l’enseignement scolaire (Dgesco).

En 2013, Vincent Peillon entérinait le retour de la semaine de quatre jours et demi, avec des journées d’école raccourcies pour laisser place à des activités périscolaires organisées par les communes. Mais elle a été vite détricotée. Face à la levée de boucliers de certaines mairies, Benoît Hamon, successeur de Vincent Peillon, avait ouvert la possibilité de n’avoir que huit demi-journées d’école et une demi-journée consacrée aux activités périscolaires facultatives.

Puis Jean-Michel Blanquer avait, sans abroger la réforme, laissé les mairies libres de revenir à la semaine de quatre jours. Résultat : « Environ 10 % des écoles sont encore à la semaine de 4,5 jours » estime Jean-Paul Delahaye, essentiellement dans de grandes villes comme Paris, Rennes, Toulouse ou encore Poitiers.

Des intérêts divergents

Rapports et expertises scientifiques se sont pourtant succédé pour souligner les bienfaits de la semaine de quatre jours et demi pour les élèves, plus aptes à la concentration durant les matinées. En juin 2018, un groupe de travail du Sénat dressait un bilan positif de la réforme, mais regrettait aussi une mise en œuvre précipitée. « La semaine de quatre jours est un contresens biologique qu’il faut abolir », tranchait l’Académie de médecine dès 2013 tout en rappelant que la santé de l’enfant doit primer sur les intérêts des adultes.

C’est là que le bât blesse : la question du changement des rythmes scolaires met, de fait, autour de la table un ensemble de personnes aux intérêts divergents. Celui des enseignants s’est fait davantage entendre passant du « soutien ambivalent » au « rejet de la réforme », comme l’explique l’historien Laurent Frajerman.

D’autant que malgré les demandes dans ce sens, celle-ci ne s’est accompagnée d’aucune revalorisation salariale. Ce qui fait dire à Jean-Paul Delahaye, ancien Dgesco, que « la semaine de quatre jours a pu être considérée par les enseignants comme un acquis social ».

Si l’on en croit une étude de l’Institut des politiques publiques, la réforme de 2013 a en tout cas eu « un impact significatif sur l’allocation du temps de travail des mères » contraintes d’être à temps partiel pour s’occuper des enfants le mercredi, en réduisant l’écart entre les hommes et les femmes de 15 %.

Un consensus difficile à trouver

Contrairement à l’argument régulièrement brandi, le système français n’est pas celui qui accorde les vacances scolaires d’été les plus longues en Europe : elle arrive même au 27e rang. Paradoxalement, c’est au niveau des congés intermédiaires (Toussaint, Pâques, etc.) que l’Hexagone décroche la première place. En Finlande, par exemple, la coupure estivale est plus longue qu’en France, mais les vacances d’hiver plus courtes.

Quant à la répartition des heures, elle se fait en France sur un nombre de jours scolaires plus restreints : les écoliers vont au maximum 162 jours à l’école par an, contre 188 pour les Allemands, 200 pour les Italiens, et une moyenne européenne de 181.

Alors, quelles solutions envisager ? Personne, à ce stade, ne s’est risqué à faire des propositions concrètes. Depuis le mois de janvier, une commission ministérielle se tient une fois par mois sur le sujet mettant autour de la table les représentants des collectivités territoriales, les représentants de parents d’élèves, des économistes et les syndicats enseignants.

Si ces derniers s’accordent pour dire que rien ne sera possible sans « consensus » trouvé entre tous les acteurs concernés, leurs propositions divergent. Le Snuipp-FSU penche davantage pour une refonte de l’alternance entre les semaines de vacances intermédiaires et celles passées en classe qui passerait notamment par la fin des différentes zones. De son côté, le SE-Unsa, qui avait soutenu la réforme des quatre jours et demi en 2013, reste encore convaincu de ses bénéfices. Le sujet épineux des rythmes scolaires ne se résoudra pas toutefois demain.

À la une

Commentaires (5)
ROLAND ROUZEAU 20/09/2023
C'est une vision limitée que des réduire les divergences d'intérêt concernant les vacances solaires à différents groupes sociaux ou professionnels adultes. Les "besoins scolaires" ne sont pas les mêmes entre les élèves mieux "dotés" socialement et culturellement et les élèves moins bien ou plus mal "dotés". Pour celles et ceux qui sont pénalisés par un milieu social et culturel défavorisé, la possibilité de réduire les inégalités scolaires passe nécessairement par plus d'école (et autrement)
Rébénacq 20/09/2023
Depuis sa réforme des retraites, on a l'impression que Macron allume des brûlots un peu partout pour détourner les débats des sujets importants. Cela semble faire le bonheur des journalistes qui lancent des débats sur tout et sur rien.
DANIEL 20/09/2023
On retient donc que les profs, une fois de plus, ont fait passer leurs intérêts catégoriels avant l'intérêt des enfants...
VERSON THIERRY 19/09/2023
Qu'on donne donc l'autonomie aux équipes pédagogiques et qu'on les laisse décider de leur stratégie éducative. L'important, ce sont les acquis au final, rien d'autre....
Françoise CLERC 19/09/2023
La question des rythmes scolaires ne se pose pas de la même manière dans le premier et le second degré,ni d'ailleurs dans les lycées techniques et professionnels.Dommage que l'article n'aborde pas les différences, surtout ne creuse ni l'intérêt des enfants,ni celui de la pédagogie, liés intimement:les congés rythment les apprentissages.C'est cela qui devrait être prioritaire.Allonger le temps des enfants en échec est vu souvent comme une punition.Il faut enseigner autrement, pas plus longtemps.
Seuls nos abonnés peuvent laisser des commentaires, abonnez-vous pour rejoindre le débat !