Spicilège beaux-arts de l’Art faber. Quand les Beaux-Arts et les mondes économiques se rencontrent

par Lourdes Arizpe, Jérôme Duval-Hamel et le Collectif de l’art faber Actes Sud, 2023, 528 p., 35 €.

Vous n’avez sûrement rien ­compris au titre de l’ouvrage, c’est la raison pour laquelle il a fallu adjoindre un sous-titre un peu plus clair. Car c’est bien d’un beau livre dont il s’agit ici, qui nous offre une histoire de la représentation des métiers et, plus généralement, des activités économiques dans les arts, en fait presque exclusivement la peinture.

On peut s’amuser à retrouver une telle représentation dans les grottes de Lascaux (!), mais il faut plutôt attendre les XVIe et XVIIe siècles pour voir les prémices d’un art de la mise en scène artistique des activités économiques, qui démarre véritablement dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, avec la révolution industrielle. Et cela durera jusqu’à la fin du XXe en passant notamment par le productivisme soviétique qui semble plus inspirant que nos sociétés de services.

Des artistes passeurs

Les artistes font œuvre de pédagogie en donnant à voir des réalités sociales. Ils le font de manière engagée pour témoigner d’un état du monde qui généralement ne leur convient pas. De ce fait, ils appartiennent à la catégorie des passeurs qui nous racontent l’histoire sociale d’une autre manière et représentent aujourd’hui une source de mémoire des rapports au travail et à l’économie des siècles passés. On suit ainsi les multiples façons dont le monde économique a nourri l’imaginaire des peintres. On passe par les métiers, des blanchisseuses, repasseuses, lessiveuses aux hommes dans les laminoirs ou porteurs de farine.

Mais il n’y a pas que la force visuelle des travaux des corps. On passe aussi par la Bourse et ses spéculations, de la représentation de la fameuse « tulipomania » par Jan Brueghel le Jeune au XVIIe siècle jusqu’au terrifiant The Bulls and Bears in the Market de William Holbrook Beard (1879), avec les taureaux qui parient à la hausse et les ours à la baisse dans un affrontement violent et glaçant, sans oublier le tableau Portraits à la Bourse d’Edgar Degas (1878-1879), plus sobre.

Un regard souvent critique

On va des mines aux usines, des conditions de travail aux grèves. Le capitalisme sauvage est très présent dans les tableaux et les bronzes, on y voit les accidents et les morts au travail, les jeunes enfants obligés de trimer, sans oublier les migrants. De quoi montrer mieux qu’un tableau statistique les inégalités sociales.

Alors, on se révolte et les artistes, en Allemagne, en France, en Italie, en Suisse et ailleurs, montrent les grèves, les revendications, les face-à-face avec les puissants. Le contraste est bien entendu saisissant entre le monde agricole, celui, plus violent, de la manufacture et ceux de la boutique ou de l’administration, plus apaisés.

Le lecteur est confronté à une autre manière de raconter l’histoire sociale du capitalisme, généralement de manière critique. Le tout est magnifiquement illustré, avec un nombre impressionnant de représentations, classées en plusieurs catégories correspondant à autant de chapitres qui commentent et éclairent les œuvres, les remettant en perspective historique et artistique pour nous permettre de mieux en profiter. Un superbe travail.

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