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Métabief, la station qui a choisi l’après-ski

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Dans la petite station du Doubs, les élus, conscients de l’inéluctable disparition de la neige, ont décidé de ne plus investir dans le ski. En finançant sa transition, Métabief fait figure de pionnier pour la montagne française.

PHOTO : © Juliette de Montvallon

Il y a huit ans, dans la station de ski de Métabief (Doubs), les élus locaux se sont rassemblés autour d’une question : faut-il réinvestir dans les remontées mécaniques ? Quatre télésièges sont alors à remplacer, pour une somme de 15 millions d’euros. Or, la petite station du massif du Jura voit son chiffre d’affaires…

Il y a huit ans, dans la station de ski de Métabief (Doubs), les élus locaux se sont rassemblés autour d’une question : faut-il réinvestir dans les remontées mécaniques ? Quatre télésièges sont alors à remplacer, pour une somme de 15 millions d’euros. Or, la petite station du massif du Jura voit son chiffre d’affaires – 3,5 millions d’euros l’hiver – diminuer d’année en année.

Et pour cause : les 900 à 1 400 mètres d’altitude se parent de moins en moins d’un manteau blanc. Les 40 % d’enneigement artificiel ne suffiront plus à compenser le déficit de neige, et ont valu à la station une amende de 40 000 euros pour l’installation en 2013 d’une retenue d’eau non conforme.

La décision tombe : il faut arrêter d’investir. L’idée : continuer « jusqu’à la fin », mais sans effectuer de nouveaux travaux. Olivier Erard, directeur jusqu’en février dernier du Syndicat mixte du mont d’Or (SMMO), gestionnaire de la station, se rappelle : « On s’est dit que, d’ici à 2050, le ski à Métabief sera devenu impossible. Mais si on arrête, qu’est-ce qui se passe ? »

Comment reconvertir ?

La taxe sur les remontées mécaniques, qui permet aux communes et départements de percevoir un pourcentage des forfaits, est alors réaffectée à un poste d’ingénieur de la transition. Dans un territoire où les sports d’hiver représentent la moitié de l’économie touristique, le pari est risqué.

« J’ai travaillé avec les opérateurs touristiques, les vendeurs de séjours, les magasins de sport, et même les opérateurs handisports pour les aider à réfléchir à des nouveaux produits, autour du VTT, du trail, etc. », témoigne Olivier Erard.

L’objectif est de diversifier les activités, à rebours du modèle centré sur une seule station aux œufs d’or

L’objectif est de diversifier les activités et de mettre en relation les métiers du territoire, à rebours du modèle centré sur une seule station aux œufs d’or. « Les reconversions vont dépendre des typologies, explique Anouk Bonnemains, chercheuse sur la transition du tourisme en montagne. En moyenne montagne, on peut avoir un tourisme d’été, autour des forêts, des parcs, mais aussi autour de l’histoire et du patrimoine. D’autres stations vont se concentrer sur le domaine skiable, qui devient une sorte de parc d’attractions : luge d’été, tyrolienne… »

Les petites stations proches de villes comme Grenoble ou Gap comptent sur la fraîcheur des sommets pour attirer les estivants quand les plaines seront devenues trop étouffantes. D’autres envisagent plutôt de s’éloigner du tourisme afin de miser sur l’artisanat, l’agriculture, l’élevage ou encore la forêt.

Olivier Erard a par exemple étudié avec un camping du Doubs la possibilité de faire de la permaculture pour approvisionner l’école de la commune voisine de Pontarlier et de développer l’économie du bois, en plus de l’hébergement.

En France, la filière du bois représente 40 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Les territoires de montagne concentrent 28 % de la forêt française et sont constitués à 38 % de terres agricoles, selon l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Après l’or blanc, l’or vert ?

Sortir de l’imaginaire du ski

Ces alternatives permettraient déjà de sortir de l’imaginaire du ski et du sentiment d’une dépendance fatale à celui-ci. Les territoires pourraient ainsi renouer avec leur vocation résidentielle et limiter l’exode rural lié à la perte d’emplois ou à la flambée de l’immobilier, comme c’est le cas dans les Alpes.

Selon la chercheuse Anouk Bonnemains, qui a grandi à La Plagne (Savoie), la transition doit être portée par une politique volontariste et concerner tous les acteurs des territoires. Or, la tendance est à la conservation du ski à tout prix, en témoigne la récente candidature alpine aux JO d’hiver 2030.

Selon la Cour des comptes, près d’un quart du financement des stations de ski provient de subsides publics

« Les régions Aura et Paca ont énormément subventionné l’enneigement artificiel », regrette la chercheuse. Selon un rapport de la Cour des comptes, près d’un quart du financement des stations de ski provient de subsides publics.

Il y a pourtant urgence. Les montagnes souffrent du réchauffement climatique au-delà de l’enneigement de plus en plus faible. Selon Ludovic Ravanel, chargé de recherche au CNRS et ancien guide de montagne, 947 éléments d’infrastructures, majoritairement des pylônes de remontées mécaniques, seraient installés sur le permafrost alpin, dont au moins 20 % présentent un risque fort d’instabilité lié à la fonte de ce dernier.

De son côté, la justice envoie des signaux forts aux stations. Récemment, le tribunal administratif de Grenoble a refusé le plan d’aménagement et de création de nouveaux lits de l’Alpe d’Huez (Isère).

Olivier Erard ne fait pas l’unanimité dans la vallée quand il annonce la fin du ski dans quinze ans, mais reste confiant : « On est à 85 % d’opposition, estime-t-il. Peut-être qu’une saison comme celle que nous connaissons cette année va nous faire basculer à 60 %. »

L’hiver 2024 aura été le troisième plus chaud jamais enregistré dans le pays, a établi Météo-France. Le 28 février, toutes les pistes de Métabief étaient fermées, et l’enneigement moyen au sommet était de 9 centimètres, contre 62 en 2012, selon Skiinfo.fr. L’après-ski a déjà commencé.

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