Economie

La mondialisation sur un plateau

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Le terminal conteneurs de Lome, au Togo ©Zhang Gaiping/XINHUA-REA PHOTO :

Le fort ralentissement de la croissance du commerce mondial n’en finit pas d’intriguer les économistes. Les experts de la Banque centrale européenne (BCE) proposent à leur tour leur analyse qui confirme un coup d’arrêt de la mondialisation ces dernières décennies.

Le constat est partagé par tous les économistes : si, avant la crise des subprimes, le commerce mondial croissait bien plus vite que l’activité mondiale ; aujourd’hui il a du mal à suivre. Explication naturelle du phénomène : le ralentissement de l’activité contribue à freiner le commerce – moins on croît, moins on importe. Mais cela est loin d’expliquer la perte de dynamisme des échanges mondiaux.

Des changements dans la composition du commerce

Pour la BCE, la moitié de cet affaiblissement s’explique par un changement dans la composition du commerce. Les pays émergents ont pris une place plus importante que les pays avancés dans l’économie mondiale, or le lien entre croissance de leur PIB et croissance de leurs importations est plus faible que dans les pays riches. De plus, la BCE note que dans tous les pays, on assiste à un affaissement des liens entre activité domestique et commerce international du fait de la diminution de l’investissement ces dernières années, source de larges importations.

La faiblesse de l’investissement mondial pourrait maintenir les échanges internationaux à un niveau bas dans les décennies à venir

Ces deux dynamiques semblent là pour un moment. Les pays émergents sont désormais durablement inscrits dans le paysage économique mondial. Et, si l’on en croit les analyses des économistes américains Lawrence Summers, Paul Krugman et d’autres, la faiblesse de l’investissement mondial, public et privé, pourrait marquer les décennies à venir et donc maintenir les échanges internationaux à un niveau bas. D’autant plus que deux autres facteurs structurels jouent dans ce sens qui expliquent l’autre moitié du ralentissement.

La fin de l’extension des chaînes de valeur

Il y a d’abord la fin de la mondialisation des stratégies d’investissement des entreprises. Le temps où les multinationales n’en finissaient pas de faire fabriquer des pièces détachées un peu partout dans le monde avant de les assembler en Chine ou ailleurs semble révolu. On le voit par exemple à la baisse de la part des produits intermédiaires dans le commerce mondial. Une telle évolution s’explique par le fait que les entreprises sont confrontées à une hausse du coût du travail dans les pays émergents. De tsunami japonais en effondrement du Rana Plazza, elles se sont aussi aperçues qu’elles maîtrisaient mal leurs chaînes d’approvisionnement mondial, les incitant à commencer à les rapatrier. Et s’ajoute à tout cela une Chine qui recentre sa croissance sur son marché domestique.

Les firmes ne mondialisent plus autant leur production

Enfin, pour la BCE, la langueur du commerce international trouve également sa source dans l’arrêt de la baisse des coûts de transport et des barrières commerciales ces dernières années (avec même une tendance à l’augmentation des barrières non tarifaires).

Toutes ces évolutions structurelles conduisent à conclure que la mondialisation des entreprises a atteint, au minimum, un plateau. Une étude récente du Fonds monétaire international (FMI) va dans le même sens, même si l’analyse statistique conduit à donner un poids différent à chacune des explications (le rôle de la panne d’investissement est plus mis en avant). Le capitalisme contemporain semble bien entrer dans une nouvelle ère.

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