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TIC : comment BlackBerry a décroché

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La firme canadienne se pensait à l'abri grâce à son smartphone, objet culte du cadre dynamique. Elle est aujourd'hui à l'agonie.

Que restera-t-il à Noël de l’ancien "fétiche du cadre dynamique"1 ? BlackBerry a été pendant une douzaine d’années l’une de ces success stories dont raffolent les magazines économiques. Fondée en 1984 par Mike Lazaridis et Doug Fregin, deux étudiants de l’université de Waterloo (Ontario), la société RIM (Research in Motion) a commencé par réaliser des systèmes de télécommunications numériques sur mesure pour les entreprises. En 1988, Lazaridis perfectionne le pager, un instrument pratique pour être appelé (on reçoit un message par radio), afin qu’il puisse passer des appels. Plébiscité par les cadres, malgré sa rusticité, cet ancêtre du smartphone devient, en 1999, le BlackBerry.

L’iPhone change la donne

Le succès est tel que RIM finit par croire que son smartphone est indépassable. Le réveil est difficile, en 2009, quand les ventes de l’iPhone, lancé par Steve Jobs deux ans plus tôt, rattrapent celles du BlackBerry. Le Californien est meilleur en design, en marketing, en service après-vente et même en technique. L’un des points forts de BlackBerry était son clavier (physique). Les progrès des commandes tactiles et des claviers virtuels lui font perdre cet avantage. RIM est également prise au dépourvu par la percée des tablettes : elle sort sa PlayBook en avril 2011, alors que l’iPad en est déjà à sa deuxième version et fait un tabac.

Apple, qui vient du monde des ordinateurs, impose ses concepts et son rythme. La firme californienne construit autour de ses appareils mobiles un formidable écosystème, notion qui n’a guère de sens dans le monde de la téléphonie d’où vient RIM. Fin 2011, l’Appstore propose 450 000 applications pour l’iPhone, talonné par l’Android Market, qui en offre 350 000. BlackBerry fait pâle figure avec ses 50 000 apps et son système trop compliqué qui décourage les développeurs.

2011, l’année noire

Au second semestre de 2010, les analystes émettent de sérieux doutes sur l’avenir de la compagnie. Elle n’a aucun produit nouveau dans ses cartons. L’année fiscale (avril 2010-mars 2011) se termine néanmoins sur d’excellents résultats financiers, mais les perspectives s’assombrissent très vite. Les ventes de BlackBerry chutent. RIM annonce qu’elle va vendre 500 000 PlayBook, mais plafonne à 200 000. En juillet, elle licencie 11 % de ses effectifs. Vers la fin de l’année, les serveurs de son système de messagerie connaissent plusieurs pannes, destructrices pour la crédibilité de BlackBerry. En janvier 2012, un quart du personnel est licencié et le PDG, Micke Lazaridis, démissionne.

Survivre ?

En 2013, la firme canadienne, qui a abandonné le nom de RIM pour celui de BlackBerry, a épuisé ses dernières cartouches. Ce n’est pas son dernier smartphone, BlackBerry 10, qui fera repartir les ventes. Concurrents et fonds d’investissement tournent sans enthousiasme autour des restes : la marque, le portefeuille de brevets évalué à 1,5 milliard de dollars, la messagerie BBM, plébiscitée par les adolescents, et le système de cryptage, apprécié par les services informatiques des grandes sociétés.

Parions que le nom restera, mais que la compagnie qui le portera n’aura plus grand-chose à voir avec l’objet culte et l’entreprise triomphante du milieu des années 2000.

  • 1. Voir "Le BlackBerry, fétiche du cadre dynamique", Alternatives Economiques n° 303, juin 2011, disponible dans nos archives en ligne.

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