Ajustement : l’Europe va payer pour les Etats-Unis

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Les partenaires commerciaux des Etats-Unis vont faire les frais du déficit extérieur américain record.

La nouvelle est tombée le 16 mars dernier : le déficit extérieur des Etats-Unis a atteint 665,9 milliards de dollars en 2004, soit 5,7 % du produit intérieur brut (PIB) américain, contre 4,8 % en 2003. Un record historique. Et la situation n’est pas prête de s’améliorer. Cette dégradation des comptes extérieurs est principalement due à un creusement du déficit commercial, qui s’est encore accru de près de 30 % en janvier 2005 par rapport à janvier 2004.

Tous les économistes sont d’accord : cette situation ne peut pas durer. Aucune économie, même la plus puissante du monde, ne peut maintenir durablement un niveau de confiance tel qu’elle puisse sans problème attirer les capitaux étrangers nécessaires au financement de ses déficits. Toutes les études historiques effectuées jusqu’à présent donnent le même résultat : la zone rouge est atteinte ; la confiance commence à être entamée, quand le déficit extérieur égale les 4 % à 5 % du PIB. Le seuil est largement dépassé.

Solde courant des Etats-Unis, en % du PIB

La question est alors de savoir comment l’ajustement va s’opérer. Deux chercheurs, Guy Debelle et Gabriele Galati, viennent à point nommé de publier une étude sur la manière dont cela s’est passé pour 21 pays riches ayant connu de forts déficits extérieurs entre 1974 et 20031. Sans surprise, nos deux auteurs mettent en évidence que les dérapages des comptes extérieurs finissent par se résoudre par deux types de crise : une chute de la croissance interne ou une dépréciation du taux de change. Le ralentissement de l’activité induit une moindre demande d’importations, tandis que la baisse du taux de change rend les produits du pays concerné plus compétitifs, ce qui permet de soutenir les exportations. Les deux mouvements oeuvrent ainsi en faveur d’une réduction du déficit commercial.

Perte de compétitivité de l’Europe

Si le rééquilibrage se fait principalement par une baisse de l’activité interne, cela signifie que c’est surtout le pays en difficulté qui va payer le coût de l’ajustement. S’il se produit prioritairement par un mouvement du taux de change, ce sont au contraire ses partenaires commerciaux qui vont en payer les frais par une perte de compétitivité.

L’étude de Debelle et Galati souligne qu’en moyenne, le taux de change effectif réel* des pays en crise se déprécie de 4 %. Une faible contribution qui tend à montrer que les pays riches supportent en interne les coûts d’ajustement. Mais le dérapage des comptes extérieurs américains des années 80 a été principalement résolu par une forte dépréciation du dollar, d’environ un tiers de sa valeur, essentiellement au détriment du yen et du mark. Lorsque l’ensemble des pays riches corrigent leurs problèmes de déficits extérieurs en s’infligeant prioritairement un ralentissement de la croissance, les Etats-Unis, eux, font plutôt porter le fardeau de l’ajustement sur les autres.

C’est ce qu’ils font aujourd’hui : alors que la croissance de l’économie américaine a caracolé l’an dernier à un rythme de 4,4 %, le dollar ne cesse de se déprécier, en particulier vis-à-vis de l’euro, par rapport auquel il a perdu 50 % de sa valeur depuis janvier 2002 ! C’est l’Europe qui subit aujourd’hui ce choc de compétitivité.

  • 1. " Current Account Adjustments and Capital Flows ", BIS Working Papers n°169, février 2005.
* Taux de change effectif réel

taux de change pondéré par le poids des différents partenaires commerciaux et sans tenir compte de l'inflation.

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