Industrie pharmaceutique : la fin du modèle Pfizer

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Miser sur quelques médicaments vedettes est de plus en plus risqué.

Les mauvaises nouvelles se suivent et se ressemblent pour l’industrie pharmaceutique. Après le scandale du Vioxx l’année dernière, dont le laboratoire Merck avait été contraint d’arrêter la commercialisation parce qu’il avait été reconnu responsable de près de 30 000 décès, c’est au tour de Pfizer de devoir retirer son anti-inflammatoire Bextra. Un coup très dur pour Pfizer, dont c’était un médicament vedette avec près de 1,3 milliard de dollars de ventes à lui seul en 2004.

Les déboires actuels de Pfizer sont la conséquence de la stratégie que le numéro un mondial de la pharmacie a adoptée depuis deux décennies. Et qui a été rapidement imitée par la plupart des acteurs du secteur. Le géant américain a choisi de mettre l’accent sur le développement de blockbusters, c’est-à-dire de médicaments engendrant un chiffre d’affaires dépassant le milliard de dollars. La raison en est simple : dans l’industrie pharmaceutique, les coûts fixes sont très élevés, notamment à cause de la recherche et des essais cliniques, ce qui implique des investissements importants au départ. Mais l’affaire devient très rentable à partir du moment où ces coûts fixes ont été couverts par le produit des ventes. Le coût de production d’une boîte supplémentaire de médicaments est infime par rapport à son prix de vente. D’où le fait que Pfizer ait concentré ses efforts de recherche et développement sur les médicaments possédant le potentiel le plus large sur les marchés solvables des pays riches. Et qu’il ait développé des forces de vente impressionnantes pour les écouler : sur 115 000 salariés, Pfizer ne compte pas moins de 38 000 visiteurs médicaux.

La menace des génériques

Les conséquences de cette stratégie se lisent dans la structure du chiffre d’affaires des grands laboratoires : les dix produits les plus vendus représentent 61 % du chiffre d’affaires chez Pfizer en 2004, 57 % chez Bristol-Myers Squibb, 51 % chez AstraZeneca, 46 % chez GlaxoSmithKline et 41 % chez Novartis. Une stratégie qui, jusqu’ici, a été payante : Pfizer affichait ainsi un profit de 11,4 milliards de dollars en 2004 pour un chiffre d’affaires de 52,5 milliards. Mais qui devient de plus en plus risquée. Parce qu’il est toujours possible de découvrir qu’un médicament vedette provoque de graves effets secondaires. Mais aussi parce que les pouvoirs publics poussent au développement des médicaments génériques afin d’alléger les dépenses des systèmes publics de santé. Un tiers du chiffre d’affaires de Pfizer réalisé en 2004 serait ainsi menacé, d’ici à 2006, par la fin des brevets portant sur certaines de ses molécules. Les fabricants de génériques pourront dès lors les copier et les commercialiser.

Face à ce qui apparaît bien comme un changement profond dans l’industrie pharmaceutique, deux réponses semblent se dégager. Celle de Pfizer consiste, en gros, à faire pareil, mais à moindre frais : avant même l’annonce du retrait du Bextra, le laboratoire avait annoncé le mois dernier qu’il comptait réduire de 12 % ses coûts fixes d’ici à 2008. Comme il a fait savoir que ces efforts ne concerneraient pas ses forces de vente, on peut en déduire que c’est la recherche qui en fera les frais... Et puis, il y a la stratégie de Novartis, qui opte pour la diversification. En février dernier, il a racheté les fabricants de génériques Hexal et Eon Labs, décrochant ainsi la première place mondiale dans ce secteur. Les génériques procurent certes des marges moins élevées que les médicaments de marque, mais c’est un marché en croissance de 10 % par an.

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