Les boîtes. Les grandes surfaces dans la ville

La grande distribution est la mal-aimée de la société de consommation. Dans la pratique, tout le monde s’approvisionne dans ces grands hangars à marchandises, mais les discours dénoncent en général des formes de distribution qui " tuent le petit commerce ", enlaidissent l’entrée des villes et en font dépérir les centres. La critique ne date pas d’hier : s’il est un sujet sur lequel la classe politique française fait preuve d’une rare constance et d’un unanimisme exceptionnel, c’est bien celui-là. Une analyse comparée des débats parlementaires, de la pétition Fichel de 1842 à la loi Raffarin de 1996, est à cet égard saisissante : ce sont pratiquement les mêmes phrases qui resurgissent. Avec, comme thème central de cet éternel procès politique de la modernisation commerciale, la défense des " petits " contre les " gros ".

Pour René Péron, ce procès fait aux grandes surfaces n’est pas le bon. D’où ce paradoxe : " La France qui s’est dotée du cadre réglementaire le plus protectionniste est aussi le pays où les grandes surfaces ont connu la croissance la plus forte. " Dans sa conclusion, l’auteur souligne que dans les pays comme le Royaume-Uni et l’Allemagne, qui ont opté pour des régulations centrées sur l’organisation de l’espace, plutôt que sur l’arbitrage entre des groupes d’intérêts divergents, les nouvelles formes de commerce se sont mieux greffées dans le tissu des villes.

Mais le propos du livre est surtout d’enrichir notre regard sur ces " boîtes ". Au-delà des discours manichéens contre l’américanisation des modes de vie, les formes de commerce sont avant tout des révélateurs sociaux. Et pour nous le montrer, l’auteur nous entraîne dans une étonnante exploration, qui va de l’histoire à l’architecture, en passant par la littérature. On le suit avec plaisir, sans toujours savoir où il veut en venir, mais rectifiant au passage bien des idées reçues.