Partenariats : quand associations et collectivités agissent ensemble

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Ecologie, consommation responsable, coopération internationale..., tour d'Europe des initiatives citoyennes et solidaires.

Associations et collectivités locales entretiennent depuis longtemps des rapports étroits : l’action sociale, culturelle ou sportive est en effet largement mise en oeuvre par le secteur associatif, en France comme dans le reste de l’Europe. Les associations se positionnent ainsi comme aiguillons des décideurs publics et comme relais de leur action, offrant des services plus souples et parfois plus proches du terrain. Les domaines où ces partenariats se sont développés ces dernières années en Europe se sont étendus, sous la pression de la société civile, mais aussi du fait des nouvelles préoccupations des élus, notamment en matière d’environnement et de solidarité Nord-Sud.

Agir local

La nécessité d’" agir local " s’est progressivement imposée dans le domaine de l’environnement, notamment dans la foulée du Sommet de Rio de 1992, qui invitait les collectivités locales à définir des Agendas 21 locaux* associant les citoyens. Très répandus dans les pays scandinaves, en Allemagne et aux Pays-Bas, ces modes d’actions concertées se développent aujourd’hui au Sud de l’Europe. Depuis 2003, au Pays basque espagnol, l’association Gap Espagne1 s’efforce de sensibiliser la population à la protection de l’environnement et l’incite à modifier ses comportements quotidiens, notamment via la distribution de manuels prodiguant des conseils en matière d’économies d’eau et d’énergie, de gestion des transports et des déchets ménagers. A en juger par l’évaluation menée auprès de 1 000 familles habitant la structure intercommunale du Bajo Deba, dans la province de Gipuzkoa, les résultats sont là : une réduction de la consommation domestique d’énergie de 17 % en moyenne et de la consommation d’eau de 7 %.

Autre domaine où les partenariats entre associations et collectivités locales se développent : la solidarité Nord-Sud. Elle prend notamment la forme de la " coopération décentralisée ", sorte de jumelage allant au-delà de l’échange culturel pour intégrer un projet de développement2. Pour cela, les communes s’appuient sur des associations spécialisées. Frères des hommes a ainsi été à l’origine d’une coopération entre les villes de Nantes et de Recife, au Brésil. La construction d’un centre de l’économie populaire et solidaire dans une favela est prévue, s’appuyant à la fois sur la municipalité et sur des associations locales : " Le quartier où nous montons ce projet regroupe environ 5 000 habitants. Il cumule de nombreuses difficultés : trafic de drogues, alcoolisme, violence, etc. ", raconte Alain Laplanche, de Frères des hommes. Le centre sera notamment un lieu de formation pour les jeunes. Une subvention de 17 000 euros a été votée en avril 2004 par la ville de Nantes pour lancer la construction du bâtiment.

Pour le commerce équitable

La coopération Nord-Sud passe également par le soutien d’un nombre croissant de collectivités locales à des initiatives de commerce équitable, via les politiques d’achat public ou les campagnes associatives. La ville de Dortmund, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, a été nommée capitale allemande du commerce équitable en 2003. Sa Semaine du commerce équitable dure en fait plusieurs mois. Un tramway parcourt la ville en faisant la promotion de ces produits et des fêtes de quartier mobilisent les ONG spécialisées dans ce domaine. Dortmund a même son propre café équitable, portant un logo spécifique à la ville.

Des initiatives semblables se retrouvent ailleurs dans la Ruhr. 26 communes de cette région industrielle se sont ainsi engagées dans la campagne Der " Pott kocht fair " (" La Ruhr cuisine équitable "), lancée par Weltläden-Basis, une ONG de commerce équitable. Le café, produit par une coopérative colombienne, est vendu dans 400 points de vente du land : boutiques spécialisées, offices du tourisme, églises, mais aussi supermarchés... Et les services municipaux des communes font sa promotion.

Le soutien des collectivités au commerce équitable passe également par leurs politiques d’achat. Là encore, les pays d’Europe du Nord sont souvent cités en exemple, notamment les Pays-Bas, où 50 % des collectivités consomment ces produits. Cette pratique fait son chemin en France (voir " La lente progression des achats responsables ", Alternatives Economiques n°236). Mais des pays comme l’Italie et l’Espagne s’y mettent aussi. En novembre 2002, la municipalité de Barcelone a ainsi voté à l’unanimité une déclaration dans laquelle elle s’engage à utiliser des produits du commerce équitable dans ses services. L’introduction de critères équitables dans les appels d’offres municipaux est à l’étude. Cette opération s’insère dans l’Agenda 21 de la ville et a été mise en place avec l’appui de deux ONG, Setem Catalunya et Cooperacció.

Autre exemple à Gênes, en Italie : le projet Restauration solidaire est né en 2001 sur une idée de la Boutique solidaire de la ville. Grâce à cette association de commerce équitable, 26 000 écoliers génois consomment désormais des bananes, du riz, du cacao, du chocolat et du jus de fruits équitables au moins une fois par semaine.

Des régions contre les OGM

Enfin, les associations poussent également les collectivités à se positionner sur des actions militantes. Vingt régions européennes ont signé une charte lancée par Greenpeace en 2003 pour protéger les cultures de leur territoire des organismes génétiquement modifiés (OGM). On y trouve la Toscane (Italie), le Pays de Galles (Royaume-Uni) et cinq régions françaises : l’Ile-de-France, l’Aquitaine, le Poitou-Charentes, le Limousin et la Bretagne. Les signataires de la charte jugent insuffisante la directive européenne qui, en matière de dissémination des graines OGM, ne prévoit pas de sanction en cas de contamination. Ils s’engagent à promouvoir l’approvisionnement en matières premières sans OGM. La Bretagne a ainsi signé en octobre 2004 une déclaration d’intention qui l’engage à commander son soja auprès de l’Etat du Parana au Brésil, où la culture transgénique est interdite.

Dans un tout autre domaine, le collectif Romeurope entend lutter contre les discriminations subies par les Roms dans l’ensemble de l’Europe des Vingt-Cinq. Il réunit notamment des associations de défense des droits de l’homme et des associations humanitaires, avec pour objectif de fournir à la communauté rom un soutien concret. Il agit aussi auprès des collectivités locales afin qu’elles améliorent les conditions d’accueil des Roms et des Tsiganes.

Zoom Les initiatives citoyennes en Europe

Le dernier guide pratique d’Alternatives Economiques offre un panorama des initiatives citoyennes et solidaires dans quinze pays européens, allant de la France à la Slovaquie, en passant par la Belgique, le Danemark, l’Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni... Une version italienne de ce numéro qui a reçu le soutien du Conseil de l’Europe sera éditée par la revue AltrEconomia, basée à Milan.

Plus de 80 initiatives sont ainsi passées au crible, dans les secteurs de l’insertion, des placements éthiques et solidaires, de la consommation responsable, de l’environnement, de la solidarité internationale, de la politique de la ville et des droits de l’homme. L’objectif de ces fiches, qui mettent l’accent sur les différentes formes de partenariats entre pouvoirs publics et société civile, est d’informer les acteurs sur des initiatives comparables aux leurs en dehors de leurs frontières. Ce guide donne également des clés pour se repérer dans le maquis des subventions européennes et aborde de nombreux débats théoriques sur l’action associative, l’Europe, etc.

Autant d’exemples qui montrent que ça bouge un peu partout en Europe et que les initiatives solidaires ne sont pas condamnées à se morfondre dans le ghetto de la générosité confidentielle. Les associations peuvent pousser les collectivités locales à agir. Sans y perdre leur âme.

  • 1. Ainsi nommée d’après le plan d’action globale (en anglais Global Action Plan), initié par le Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue).
  • 2. Depuis la loi de 1992 qui définit la coopération décentralisée, toutes les régions françaises, 80 % des départements et 80 % des communes de plus de 5 000 habitants ont mis en oeuvre des actions de coopération décentralisée.
* Agenda 21

Programme d'action pour le développement durable, lancé au Sommet de la Terre à Rio, qui peut être mis en oeuvre au niveau national, régional ou local.

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