Les territoires se sentent abandonnés

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Les déséquilibres hérités de la centralisation nourrissent l'inquiétude face à la mondialisation.

Le 29 mai, le Non, puissant dans de nombreux territoires ruraux, contrastait avec un Oui très majoritaire à Paris ou à Lyon. Des fractures territoriales profondes se superposent en effet à la fracture sociale. Et elles viennent de loin ! Héritage d’une centralisation voulue par les rois de France puis par la République, la France est aujourd’hui un des pays développés les plus déséquilibrés (voir carte). Et ce n’est pas fini : les plus de 60 ans pèsent 15,5 % de la population francilienne, mais 29 % de celle du Limousin. D’où une forte dépendance à l’égard des mécanismes de péréquation nationale et des emplois publics : dans nombre de villes, l’hôpital public est invariablement le principal employeur. Cette répartition très inégale des activités et des populations contribue certes à préserver le cadre de vie, d’où le succès du tourisme, mais elle pose aussi des problèmes de plus en plus importants.

Densité de la population par département en 2000, en habitants au kilomètre carré

Un désengagement de l’Etat

Les difficultés budgétaires chroniques de l’Etat ont entraîné une forte pression ces dernières années pour redéployer les effectifs des écoles, des hôpitaux, de la police et de la gendarmerie... dont la répartition sur le territoire n’avait que peu suivi les évolutions démographiques. Pendant ce temps, l’Union européenne demandait aux Etats de justifier les subventions accordées via des tarifs encadrés (poste, téléphone, électricité...) au nom de la chasse aux aides d’Etat susceptibles de fausser la concurrence. Bruxelles demandait également d’ouvrir certaines des activités exercées jusque-là de façon exclusive par l’Etat employeur-producteur à des acteurs issus d’autres pays. A quoi s’ajoutent, ces derniers mois, les menaces sur les subsides européens destinés aux régions en difficulté ou ceux reçus via la politique agricole commune (PAC), que fait peser la pingrerie des pays riches vis-à-vis du budget de l’Union dans le contexte de l’élargissement. D’où la crainte - justifiée - que, dans cette nouvelle donne, les régions les plus déshéritées se trouvent délaissées. Cette problématique est très présente en particulier dans les débats sur l’évolution du réseau de la Poste.

La décentralisation mal perçue

Rompant avec sa tradition centenaire, la France s’est cependant engagée depuis les années 80 dans un vaste processus de décentralisation. Dans l’esprit de ses promoteurs, il devait permettre aux territoires de suivre le chemin tracé par les " petits pays ", qui ont généralement mieux tiré leur épingle du jeu de la mondialisation que les grands, grâce à leur capacité à mobiliser plus efficacement les énergies à " échelle humaine ". Mais sur un territoire aussi déséquilibré que la France, la masse critique indispensable pour espérer enclencher une dynamique de développement en comptant sur ses propres forces fait trop souvent défaut. Même les zones rurales qui gagnent en population le doivent le plus souvent à l’arrivée de néoruraux très pauvres, qui fuient la spéculation immobilière. Intervenant sans clarification des structures administratives, sans véritable garantie de ressources pour les collectivités locales, sans péréquation nationale, la décentralisation prônée par Jean-Pierre Raffarin est apparue d’abord comme un désengagement de l’Etat et un recul de la solidarité nationale.

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