Les cartes, ça ne sert pas qu’à faire la guerre

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sommes-nous ? Sur une sphère ou sur un plan, l’homme cherche, par un dessin légendé, à exprimer une idée de sa place dans l’espace : place dans son environnement immédiat ou place dans un espace plus large qui peut être le monde entier, tel qu’il l’imagine ou en a connaissance, directement ou indirectement.

Mode d’expression, la carte est une image symbolique par sa forme. Elle traduit une vision, imaginaire ou réaliste, par des signes, des formes simples, des couleurs. Elle est aussi analogique, établissant une relation immédiate avec l’espace réel, soulignant des distances, des voisinages, des réseaux. C’est ce qui fait son utilité et sa lisibilité. Pour le philosophe, le savant ou le croyant, qui cherche une image du monde pour se situer dans l’univers. Pour le marchand, le navigateur ou le militaire, qui veut savoir où il est par rapport à tel marché, tel port ou telle place amie ou ennemie. Pour le prince, qui organise le pouvoir, la gestion administrative ou juridique d’un territoire. Pour le citoyen, qui veut comprendre et agir. La carte participe fortement, par les savoirs qu’elle rassemble et par son impact visuel, au sentiment de maîtrise d’un territoire. Et la carte du monde, plus qu’aucune autre, parce qu’elle figure l’espace le plus insaisissable.

Historiquement, chaque civilisation a élaboré sa propre image du monde, une vision d’abord religieuse ou savante. Mais progressivement, c’est la carte dessinée par les Occidentaux, à partir du XVe siècle, qui finit par s’imposer. La carte savante fusionne avec la carte itinéraire et la carte géopolitique pour donner naissance à une carte physique scientifique, sur laquelle vient se superposer, au début du XXe siècle, la carte politique des Etats-nations et de leurs colonies : les puissances européennes sont les seules à penser leur domination à l’échelle de la planète.

La cartographie d’aujourd’hui est extrêmement diversifiée, car les usages de l’image du monde se sont multipliés et démocratisés. En témoignent des modes d’expression cartographiques nouveaux ou renouant avec de plus anciens, et la multiplication des atlas thématiques. En témoigne aussi la représentation des profondeurs et de l’atmosphère de la Terre, terra incognita d’aujourd’hui. En cartographiant la Terre entière, l’homme a toujours cherché à se rassurer, à maîtriser un monde menaçant. Pour comprendre et agir, il lui faut aussi aujourd’hui cartographier un monde menacé.

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