La carte géopolitique : L’économie-monde chinoise

2 min

Carte image...

Dans l’oeil de cette carte en profil d’homme : la " plaine centrale " ou " pays du milieu ", longtemps considéré comme la Chine proprement dite. Au-dessus, le fleuve Jaune, en dessous, le fleuve Bleu. A l’ouest, la chaîne de l’Himalaya légendée " le coeur du ciel-terre ", demeure des dieux d’où s’écoulent quatre fleuves. Bouche et menton figurent l’Indochine et le cou, la péninsule indienne. Devant le visage, la " banane " qui termine la chevelure figure la Corée. Juste à côté, le Japon. Dans le premier océan ou disséminées sur le continent circulaire, des cartouches figurent des pays légendaires : pays des sans-entrailles, des un-oeil, des trois-corps, des langues-tordues, etc. Au nord de ce continent, une forêt de conifères, figurés par des étoiles : " Sapins sur mille lis. " Au-delà, dans l’Océan circulaire, à l’est et à l’ouest, deux îles : celle " d’où sortent " et celle " où se couchent le Soleil et la Lune ".

Un continent entouré d’un océan circulaire : la similitude avec des cartes images d’autres civilisations, mésopotamienne et plus tard chrétienne, est frappante sans que l’on puisse établir de lien précis de parenté. Mais cette carte-image traduit aussi une représentation de l’aire de domination de l’empire du Milieu : l’Asie, de l’Inde au Japon, et pas au-delà.

Zoom Une souveraineté géographiquement limitée

Dans son ouvrage consacré à l’universalisme idéologique occidental1, Karoline Postel-Vinay souligne la vision du monde différente des Chinois et des Européens. " Définir les formes de la Terre, c’est établir la centralité absolue de la Chine - qui l’autorise à fixer les règles des relations entre pays - et c’est doter l’empereur d’une vision du monde d’une portée nécessairement universelle. De là découle la notion de civilisation - non pas "une", mais bien "La Civilisation" (wenming). Peu importe si celle-ci se déploie ou non à l’échelle du globe terrestre. Selon un principe décrit par la politologue Susanne Hoeber Rudolph, et que l’on retrouve dans l’ensemble de l’Asie traditionnelle et de la Méditerranée au Pacifique, l’essentiel est de garantir la souveraineté de l’empereur par la création d’un domaine d’autorité incontestable, renvoyant à une cosmologie appropriée. Or, c’est précisément là, dans cette question d’échelle géographique, que se révèle,au tournant du dernier siècle, une faiblesse essentielle des souverains orientaux face à la puissance de l’Occident moderne. (...). La force des Occidentaux, c’est de mettre en pratique leur vision du monde et d’agir, en effet, à l’échelle du globe ".

  • 1. L’Occident et sa bonne parole, éd. Flammarion, 2005

... et carte instrument

ette carte semble refléter une influence occidentale : en 1583, le jésuite Matteo Ricci est en Chine ; il dessine une carte du monde dès l’année suivante, initiant les Chinois à la cartographie européenne. Cependant, en bas de la carte, le cartouche de gauche précise une inspiration chinoise : " Autrefois, il existait deux cartes qui divisaient le pays en quinze régions, mais aucune n’est aussi complète que celle-ci. "

De fait, cette carte de l’époque Ming, dessinée et coloriée sur de la soie écrue, est avant tout, tant par son style que par son contenu, une carte de la Chine impériale. Le kaléidoscope formé par des milliers de petits cartouches de couleurs différentes suivant les provinces, signale les noms des préfectures et des sous-préfectures. La capitale de chaque province figure dans un rectangle rouge. Le cartouche en bas à droite donne la distance de chaque préfecture à Pékin ou à Nankin et l’importance de l’impôt foncier payé par la province. En haut de la carte, sont inscrits les noms des postes militaires qui gardent le territoire. Fleuves et montagnes donnent des repères à une carte utilitaire - bien que luxueuse - permettant de visualiser l’organisation du pouvoir impérial.

À la une

Laisser un commentaire
Seuls nos abonnés peuvent laisser des commentaires, abonnez-vous pour rejoindre le débat !
Sur le même sujet