L’Atlas catalan, un portulan planétaire encyclopédique.

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Carte savante, carte itinéraire, carte politique et oeuvre d’art

Ce n’est pas encore la Renaissance et pourtant : dans cette carte exceptionnelle, quelle ouverture, quelle synthèse des connaissances ! A la suite des Génois, les Catalans et les Majorquins, commerçants et navigateurs, tracent et utilisent des cartes marines (portulans), à l’affût des dernières informations. Cette carte de luxe, de style à la fois chrétien et musulman, se veut en outre encyclopédique : si elle porte ici et là des références religieuses, elle ne fait que les inclure dans l’ensemble des connaissances de tous ordres, de l’Antiquité au XIVe siècle, époque où, fait nouveau, les récits de voyage jouent un rôle prépondérant.

Le panneau représentant l’extrémité ouest du monde connu complète les lignes des caps (rumbs) par une rose des vents artistique où sont inscrits en catalan les noms de huit vents, dont Tramontana, Levante, Ponente. L’est est marqué d’un trèfle et le nord par les sept étoiles de la Grande Ourse. Les côtes du nord-ouest de l’Afrique se précisent. Les derniers voyages sont enregistrés : en bas à gauche, la nef de Jaume Ferrer qui, en 1346, était partie pour découvrir le Riu del Or, au-delà de l’Atlas (tresse dorée dans le style musulman) et du Sahara, nous dit la légende. Les îles Canaries, toutes découvertes depuis 1341 grâce à des pêcheurs, sont représentées. Au nord de celles-ci, le cartographe fait figurer les Iles Beneventurades, les Iles Fortunées, citées dans Pline et Isidore de Séville : peut-être est-ce aussi Madère et les Açores ?

Les continents sont, eux aussi, riches d’informations : on voit, près de la ville de Tenbuch (Tombouctou), le roi Mansa Musa du Mali présentant une pièce d’or au roi sarrasin d’Organa : " L’or que l’on trouve dans ce pays est si abondant que cet homme est le roi le plus riche et le plus noble de tout le pays ", précise la légende. Voilà qui témoigne du commerce transsaharien et... de la connaissance, à Majorque, de récits musulmans sur le pèlerinage à La Mecque que ce roi, chargé d’or, fit en 1324. En Europe, les oriflammes des souverains figurent sur leur royaume (à fleurs de lys sur Paris).

Une des grandes nouveautés consiste à rendre compte des voyages en Asie, en particulier celui de Marco Polo. En Asie centrale, dans l’empire tatar de Saraï, une caravane de chameaux chargée de marchandises précède des piétons et des cavaliers armés, dont l’un dort sur l’encolure de sa monture : " Cette caravane est partie de l’empire de Ssara pour aller en Catay [Chine] ", dit la légende. Nous sommes dans le désert de Takla Makan (une légende hors-champ en précise les points d’eau), au nord-ouest de la Chine, au pied des monts Tian Shan, dessinés ici en dessous de ce tronçon de la route de la soie.

Carte savante : compte-rendu des connaissances accumulées, l’Atlas catalan contient aussi deux panneaux de textes et de dessins insistant sur la sphéricité de la Terre (est-ce pour l’évoquer qu’iconographie et textes des cartes sont tête-bêche ?), livrant des données astronomiques, des horaires de marées, etc. Carte itinéraire : la carte guide le marin et donne des repères et des informations au voyageur terrestre. Carte politique, elle dote chaque ville d’un drapeau représentant son souverain. Carte économique aussi : de nombreuses inscriptions renseignent sur les produits, or, ivoire, épices, soie, que l’on peut trouver en Afrique ou en Asie.

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