Perrier, c'est nous ! Histoire de la source Perrier et de son personnel

par Nicolas Marty Ed. de l'Atelier, 2005, 254 p., 24 euros.

La source du docteur Perrier, fondée en 1903 en vue de vendre de l’eau gazeuse en bouteilles, est devenue, en 1989 (date à laquelle le livre s’arrête), le support du troisième groupe agro-alimentaire de France, dépassant le cap du milliard de bouteilles vendues. Avant que l’" affaire du benzène " ne la fasse chuter durablement de plus de 30 %, puis passer sous le contrôle de Nestlé.

On apprend dans ce livre comment le poids des propriétaires britanniques a stimulé les exportations (Perrier a été le deuxième exportateur d’eaux minérales pratiquement tout au long du XXe siècle, d’abord surtout vers l’Angleterre, ensuite surtout vers les Etats-Unis) ; comment l’entreprise a traversé la crise, puis la guerre, sans être trop inquiétée par cet actionnariat étranger ; comment elle s’est francisée en 1948 et a débordé le domaine des eaux minérales. Mais les relations sociales constituent le coeur de l’ouvrage. La CGT organise peu à peu les ouvriers, issus originellement du prolétariat viticole, remuant et contestataire. Elle contraint le patronat à abandonner une politique paternaliste (l’usine finance depuis 1920 un " dispensaire des pauvres " à Vergèze), par une sorte de harcèlement (42 grèves entre 1965 et 1975), qui finit par payer. L’auteur voit dans le poids de la CGT (80 % des voix aux élections professionnelles, contre 41 % en 1958) " une sorte d’appropriation de l’entreprise par son groupe ouvrier ".

On regrettera qu’il ne dise rien de la période - pourtant cruciale - de 1936, et qu’il ne s’interroge pas sur les effets induits de cette combativité (salaires élevés et conflits sociaux ont peut-être contribué à limiter l’industrialisation dans cette région du Gard). Mais raconter une entreprise à partir de ceux qui la font vivre, pas à partir de ceux qui la possèdent, est suffisamment rare pour qu’on apprécie le résultat.

Voir toutes nos notes de lectures

À la une

Laisser un commentaire
Seuls nos abonnés peuvent laisser des commentaires, abonnez-vous pour rejoindre le débat !