Éditorial

Changement dans la continuité

3 min

Soucieux de répondre aux inquiétudes des Français, le gouvernement a choisi d’affirmer son volontarisme. Dominique de Villepin est à l’offensive sur l’emploi, tandis que Nicolas Sarkozy demeure toujours aussi vibrionnant. Tous ceux qui croient dans la capacité de l’action politique à changer le cours des choses ne peuvent que s’en réjouir. Au moment où l’Europe traverse une profonde crise d’identité et paraît durablement paralysée, le niveau national est redevenu pour un temps l’espace pertinent de l’action collective.

La méthode Villepin n’est pas vraiment nouvelle. Le vibrant appel au patriotisme économique récemment lancé par le chef du gouvernement face aux rumeurs d’OPA sur Danone s’inscrit dans la droite ligne des discours néomercantilistes utilisés ces dernières années à propos des conséquences de la mondialisation. De même, sa politique de l’emploi, loin d’être en rupture avec celle de son prédécesseur, accélère plutôt le mouvement engagé par Jean-Pierre Raffarin en matière de dérégulation sociale. En s’attaquant aux garanties apportées par le contrat de travail à durée indéterminée, Dominique de Villepin a choisi de donner tout pouvoir aux patrons des petites entreprises face à leurs salariés. Une mesure aux résultats plus qu’incertains en termes de créations d’emplois.

Ce mix d’interventionnisme étatique en matière de politique industrielle et de libéralisme en matière sociale est pratiqué aux Etats-Unis depuis fort longtemps. Il manque cependant un élément essentiel au gouvernement pour pouvoir appliquer avec succès la recette américaine : une politique économique assurant un haut niveau d’activité et d’emploi, de quoi permettre à une majorité de la population de trouver relativement aisément du travail ou de changer d’emploi sur un marché du travail flexibilisé.

Cette politique économique fait défaut en France depuis maintenant trois ans. L’incapacité des gouvernements européens à coordonner efficacement leurs politiques économiques et le manque de réactivité de la Banque centrale européenne y sont sans doute pour beaucoup. Mais nos dirigeants portent également une lourde responsabilité : parvenu au pouvoir en plein ralentissement économique, Jean-Pierre Raffarin ne s’est guère préoccupé de renverser la tendance. Sa priorité était de montrer à ses électeurs que les temps avaient changé, en abaissant toujours plus le coût du travail et en multipliant les cadeaux fiscaux aux plus aisés. Sans guère d’effets positifs sur l’activité.

La situation dont hérite Dominique de Villepin est donc bien difficile : croissance atone, chômage massif, pertes de parts de marché à l’exportation, dette publique très alourdie. Sortir de cette situation supposerait d’agir avec force pour dynamiser l’offre, soutenir la demande et prendre des initiatives au niveau européen. Afin de recréer un climat de confiance. A la place de cela, le Premier ministre a choisi, au-delà de la différence de style, d’inscrire son action dans la ligne de son prédécesseur. Avec les mêmes résultats ?

À la une