Entretien

" Ce qui manque aujourd’hui, ce sont des principes économiques partagés "

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Jean Pisani-Ferry Economiste, ex-commissaire général de France Stratégie

Comment évaluez-vous la récente réforme du pacte de stabilité ?

Elle comporte des points très positifs. On reprochait au pacte d’ignorer les cycles, d’oublier la dette, c’est-à-dire la soutenabilité des finances publiques à long terme, et de négliger le besoin d’un soutien conjoncturel des réformes structurelles. Le texte final prend en compte ces différentes remarques : on sort d’une conception uniquement fondée sur des règles fixes et on se dirige vers une conception plus souple qui laisse plus de place aux jugements économiques. Mais la manière dont le pacte réformé va fonctionner en pratique est incertaine. Tout dépendra de la capacité d’un collège de ministres à prendre de bonnes décisions.

De quoi dépend selon vous cette capacité ?

Le passage à une présidence stable de l’Eurogroupe va dans le bon sens. Mais il faut plusieurs autres conditions pour que cela marche. Il faut tout d’abord que les décisions du Conseil s’appuient sur une base objective solide. Cela implique de donner à la Commission l’autorité et les moyens pour faire des évaluations fiables. Il faut surtout que les membres de la zone euro parviennent à s’accorder sur une philosophie commune de la politique économique. Ce qui manque aujourd’hui, ce sont des principes économiques partagés. Beaucoup dépendra de la capacité de la présidence de l’Eurogroupe à clarifier la doctrine économique du Conseil et à s’y tenir. Enfin, il est souhaitable de donner davantage d’autonomie de décision à la zone euro. Le conseil de la zone euro devrait ainsi pouvoir décider à la majorité qualifiée sur les questions liées à la gestion de la monnaie unique.

Le nouveau pacte va-t-il assez loin dans la coordination des politiques économiques ?

On a un plein sac de propositions, mais je ne suis pas sûr qu’elles aient un débouché institutionnel réaliste aujourd’hui. Les conditions politiques ne sont pas réunies. La superstructure politique construite dans le traité constitutionnel a été rejetée. L’interprétation qui l’emporte est celle du retour au national. Ce n’est donc pas le moment de rajouter des contraintes supplémentaires sur les politiques budgétaires nationales. Au point où on en est, la question est d’abord : de quelles politiques économiques avons-nous besoin ? Le débat doit être d’ordre intellectuel, avant d’être institutionnel.

Propos recueillis par Sandra Moatti

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