A guide to what's wrong with economics

par Edward Fullbrook (dir.) Anthem Press, 2004, 323 p., 18,99 £.

Jeunes étudiants en économie, ce livre vous est explicitement dédié. Edward Fullbrook l’a préparé pour protéger votre santé intellectuelle " contre le processus d’endoctrinement auquel vous allez sans doute être soumis " ! On va vous faire croire que l’économie néoclassique dominante est la seule qui vaille, alors qu’elle est idéologie, fausse science et dans l’incapacité d’expliquer le monde qui vous entoure.

L’économie n’est pas un monde à part qui peut s’analyser dans un petit coin, affirment d’emblée plusieurs auteurs comme Hugh Stretton ou Geoffrey M. Hodgson, citant l’économiste Robert Solow pour qui toute activité économique " est encastrée dans un tissu d’institutions sociales, de pratiques, de croyances et de comportements ". Raisonner sur un individu (ménage, firme...) isolé n’a pas de sens.

La microéconomie fait l’objet de toute une partie critique que résume bien la contribution d’Emmanuelle Bénicourt. Les biens, les marchés, les firmes, etc., sur lesquels la microéconomie vous force à réfléchir, n’existent pas dans la réalité, dit-elle. Par exemple, demandez au professeur qui vous explique que les facteurs de production (capital, travail) sont substituables à tout moment s’il a un exemple concret à vous donner ? Et quand il vous dira que, pour toutes les entreprises, les prix sont donnés, demandez-lui qui les donne ces prix ? S’il vous répond que les économistes ont inventé la métaphore d’un commissaire-priseur qui reçoit les offres et les demandes et donne ensuite les prix, dites-lui que vous avez bien compris l’idée mais, concrètement, dans la vraie économie, comment ça marche ? Pour comprendre comment se fixe un prix sur un marché, il faut récolter beaucoup de données, analyser les comportements des acteurs concernés, prendre en compte le contexte juridique, les pratiques, etc. : un gros travail, qui prend du temps. On comprend pourquoi les microéconomistes préfèrent s’éloigner complètement de la réalité pour rester dans leur planète, concluent les auteurs.

La domination de l’économie néoclassique incite les économistes qui s’en réclament à passer de l’analyse au normatif, à penser que les politiques économiques devaient avoir pour seule ambition de rendre les marchés " parfaits " comme ceux de la théorie, en libéralisant la finance, en flexibilisant le marché du travail... Une position idéologique, commente Ha Joon Chang, car c’est bien par le protectionnisme, le non-respect de la propriété intellectuelle et une forte intervention de l’Etat que les pays riches se sont développés. On est loin des vertus du modèle " d’économie pure "...

Enfin, ne croyez pas qu’en étudiant l’économie vous faites oeuvre scientifique. Toute une partie est consacrée à la mauvaise utilisation des mathématiques par les économistes. La mise en cause des fondements analytiques de la théorie des jeux par Bernard Guerrien est de ce point de vue exemplaire. Pour le professeur de mathématiques et de philosophie des sciences Donald Gillies, physique et économie offrent des images inversées. En physique, une feuille tombe au sol doucement, mais un caillou rapidement, et les nuages restent accrochés au ciel ! Derrière ces différences qualitatives il y a pourtant une seule loi physique, quantitative. L’économie s’occupe, elle, de quantité et de prix, mais derrière, cet aspect quantitatif traite en fait de comportements qualitatifs.

Plutôt que d’essayer de copier la physique en cherchant des lois universelles, les économistes devraient plutôt se rapprocher de la médecine du XIXe siècle, conclut Gillies. C’est pour éliminer les maladies infectieuses de leur temps que Pasteur et d’autres ont inventé une théorie microbienne leur permettant d’en identifier les causes et de proposer des antibiotiques. Keynes suivra la même méthode : confronté à la réalité du chômage de masse, il a inventé une théorie explicative, sur la base de laquelle il a proposé ses remèdes. Et que souhaiter de mieux aux jeunes étudiants en économie que de devenir les Keynes du XXIe siècle...

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