Les illusions liberales. Individualisme et pouvoir social

par Jean-Léon Beauvois Ed. Presses universitaires de Grenoble, 2005, 422 p., 20 euros.

La thèse est intéressante et servie par un argumentaire détaillé : l’exaltation des libertés individuelles sert en réalité à livrer les individus à la toute-puissance de ceux qui les manipulent. Elle contribue donc à renforcer le pouvoir social des minorités d’argent, qui contrôlent - et limitent - le débat démocratique. Ce que nous croyons penser, acheter ou faire librement est en fait influencé, pour ne pas dire dicté, par ceux qui détiennent le pouvoir économique et fixent les règles du jeu : " La liberté des modernes [référence à Benjamin Constant et définie par l’auteur comme " la liberté d’être tranquille chez soi pour y faire et penser ce que l’on veut ", NDLR] est devenue un piège à cons ", écrit-il.

Il est vrai que l’histoire d’Harvey donne à penser. Voilà un sympathique étudiant en sociologie, auquel son enseignant dit qu’il est particulièrement remarquable, qui n’hésite pas à se transformer en bourreau dès lors qu’il dispose du pouvoir de punir un autre étudiant à chaque mauvaise réponse de ce dernier, et ceci bien qu’il ait été informé qu’il pouvait mettre fin quand il le voulait à la punition (fictive, heureusement, mais Harvey ne le savait pas). Nos comportements ne dépendent pas de ce que nous pensons, mais du contexte dans lequel ils sont amenés à se produire.

Pourquoi alors, d’une thèse défendable - encore qu’excessive, il le reconnaît page 69 -, passe-t-il à un règlement de comptes vis-à-vis de tous ceux qui ne partagent pas ses options politiques critiques à l’égard de la gauche qu’il accuse d’être libérale ? Cette théorie du manipulateur est un peu courte, surtout quand le manipulateur est soit non nommé, soit identifié à ceux qui détiennent des parcelles de pouvoir, journalistes en tête. L’auteur a manifestement laissé aller sa plume, sur le fond comme dans la forme, mettant dix pages à dire ce qu’il aurait pu exprimer en une, avec souvent des phrases interminables. Bref, un long pamphlet plus qu’un travail solide.

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