" Les nouvelles frontières de l'aide "

par Jean-Michel Severino et Olivier Charnoz Afrique contemporaine n°213 Ed. De Boeck, hiver 2005, 18 euros.

Alors que les Nations unies vont discuter, à la mi-septembre, de la meilleure façon d’aider les pays pauvres, Jean-Michel Severino, le directeur général de l’Agence française de développement (AFD), et Olivier Charnoz, un de ses collaborateurs, offrent dans ce nouveau numéro de la revue Afrique contemporaine une analyse percutante et sans langue de bois des enjeux actuels de l’aide au développement. Et ils ne sont pas minces.

" En ce début de XXIe siècle, l’aide publique au développement est en cours de reformulation de ses fondements, de ses objectifs, de ses défis ", rien de moins, jugent les deux auteurs. C’est bien la philosophie même de l’aide qui est aujourd’hui en débat et que cette analyse détaillée tente de cerner autour de quatre grandes questions : quel volume d’aide est nécessaire ? comment la rendre efficace ? avec quels instruments et avec quelles institutions ?

Sur le niveau de l’aide, un débat s’est développé autour de la nécessité d’une forte augmentation des flux, le chiffre de 50 milliards de dollars supplémentaires étant souvent évoqué comme condition nécessaire pour régler les problèmes de pauvreté au Sud. On pourrait s’attendre à ce que nos auteurs, représentant une agence d’aide, se félicitent de ces demandes qui ne peuvent que servir leurs activités. Or le ton n’est pas à l’enthousiasme. Le lien entre niveau de dépenses publiques et progrès social est loin d’être direct, les coûts financiers de l’extension des politiques sociales en faveur des plus pauvres ont été sous-estimés, et la capacité des pays pauvres à gérer un afflux massif d’aide n’est pas évidente. Pas plus que celle des administrations d’aide du Nord à soutenir un rythme de décaissements élevé : sur les trente dernières années, le reste-à-verser (les montants promis moins ceux décaissés) est de 146 milliards de dollars, soit environ un an et demi d’aide au rythme actuel !

Quel que soit le montant de l’aide, comment faire pour que celle-ci serve au mieux les intérêts des populations du Sud ? La Banque mondiale a mis en avant la notion de nécessaire sélectivité. Elle consiste à réserver l’aide aux pays considérés comme les plus à même de l’utiliser pour développer leur pays. Severino et Charnoz contestent fortement les indicateurs retenus censés révéler les bons élèves et - plus étonnant - les principes mêmes de la sélectivité en faveur d’un plaidoyer sur les bienfaits de la conditionnalité (on prête à tout le monde en exigeant des réformes en contrepartie), dont l’efficacité est pourtant largement remise en cause.

La fin de l’article développe de nombreuses idées sur les instruments de l’aide (critiques de l’insuffisance des annulations de dette, soutien à l’aide bilatérale : même si celle-ci est motivée par des raisons politiques, elle n’en est pas moins efficace et permet d’assurer une diversité de points de vue sur le développement) et sur les institutions de l’aide (plus d’évaluation des politiques d’aide...).

On peut ne pas partager toutes les analyses proposées, mais on dispose ici d’un texte qui fait des choix, livre des arguments au débat et sait rester modeste face aux limites de notre capacité à comprendre et à soutenir depuis Paris, Londres ou Washington, les processus de développement.

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