Éditorial

Fiscalité et démocratie

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La baisse de l’impôt sur le revenu et la fixation d’un taux plafond pour l’ensemble des impôts directs, récemment décidées par le gouvernement, vont réduire les prélèvements acquittés par les contribuables les plus riches. Ces réformes, loin d’être une exception française, s’inscrivent dans un mouvement général qui touche la plupart des grands pays développés. Même s’il ne s’est pas traduit par un réel recul du collectif, ce mouvement réduit la progressivité de l’effort fiscal et risque, à terme, d’appauvrir l’Etat et les régimes de protection sociale.

A écouter leurs promoteurs, ces baisses seraient inévitables. Afin d’éviter une délocalisation des contribuables les plus aisés qui menacerait la substance économique du pays. Mais la concurrence fiscale n’explique pas tout. Ces réformes sont également facilitées par le climat idéologique qui prévaut. Si l’opinion ssur la nécessité de " faire payer les riches ", en tout cas, tous ceux qui sont plus riches que soi, elle se montre également plutôt favorable aux baisses d’impôts. Rien de bien surprenant : le haut niveau des dépenses publiques nécessaire au bon fonctionnement de nos sociétés impose à tous des prélèvements élevés. Ceux-ci sont donc critiqués aussi bien par les plus riches, qui estiment payer trop, que par les moins aisés, car l’impôt est encore plus douloureux quand il contraint à se priver non pas du superflu, mais du nécessaire.

L’individualisme moderne nous a donné la liberté, le sentiment que notre vie nous appartenait. Tant mieux. Mais le risque aujourd’hui est de voir le " chacun son choix " se transformer en une fuite en avant dans un " chacun pour soi " destructeur. Car payer moins d’impôt, c’est aller vers une santé à deux vitesses, une école à plusieurs standards et une sécurité inégalement répartie sur le territoire. Autant de dérives qui menacent les fondements mêmes de notre société.

La démocratie, et le suffrage universel qui la fonde, partent de l’idée que toute personne, quels que soient ses moyens, a le même droit de décider de ce qui est bon pour la société dans son ensemble. Cette promesse perd son sens quand certains ne sont plus à même d’exercer leurs droits de citoyen dans la dignité, faute d’accéder à l’éducation, à la santé ou à des conditions de vie et de logement décentes. Il n’y a pas de démocratie possible sans acceptation d’un haut niveau d’impôt et sans financement solidaire de cet impôt. Les prélèvements obligatoires n’ont pas vocation à faire disparaître les inégalités, mais ils doivent faire en sorte que la promesse d’égalité que porte en elle la démocratie ne soit pas un vain mot. Attaquer l’impôt, c’est menacer la démocratie.

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