Croissance : l’impact des catastrophes

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Contrairement à ce qu'on entend souvent, les catastrophes ne sont pas bonnes pour la croissance.

L’ouragan Katrina et ses suites ont donc révélé au monde, mais aussi aux Américains eux-mêmes, les défaillances de leur modèle. Ainsi que l’absurdité de la croyance que tout irait forcément mieux si on réduit les dépenses publiques. Ceci dit, les Européens n’ont pas autant de raisons de ricaner qu’ils le croient généralement : pour faire face à la crise, l’Etat fédéral américain est en train de mobiliser, avec retard certes, de l’ordre de 100 milliards de dollars d’argent public. Si l’Union européenne devait en faire autant, il n’y aurait tout simplement plus de budget de l’Union, tant son niveau est ridiculement faible : 1 % du produit intérieur brut (PIB). Un niveau que Jacques Chirac et les autres chefs d’Etat des pays riches de l’Union voudraient pourtant encore réduire dans le futur... Même si cela n’a pas eu de conséquences aussi dramatiques qu’à La Nouvelle-Orléans, l’Union européenne a ainsi laissé la forêt portugaise brûler pendant deux mois cet été en n’accordant à ce pays qu’un soutien tardif et parcimonieux.

Mais cet ouragan tragique a aussi relancé un vieux débat : les catastrophes sont-elles " bonnes " pour la croissance ? Au-delà de l’indécence de la question, la réponse apportée est souvent positive. Ce serait la preuve de l’absurdité du PIB et de la notion de croissance économique. La réalité est plus complexe. Les travaux de déblaiement, l’évacuation des corps et des réfugiés sont bien comptabilisés en effet comme de la " valeur ajoutée " dans le PIB américain... pour autant qu’ils n’aient pas été l’oeuvre de bénévoles qui auraient au contraire renoncé à des revenus et limité la production de richesse en se rendant à La Nouvelle-Orléans au lieu d’aller à leur travail.

On ne peut pour autant en déduire que cette catastrophe, comme d’autres, dope la croissance. Les dégâts matériels occasionnés et les pertes humaines constituent toujours une perte de potentiel de production. Une perte qui peut d’ailleurs se révéler critique, comme dans le cas des capacités de raffinage américaines aujourd’hui. Cela peut certes être l’occasion de remplacer des installations obsolètes par de nouvelles ultramodernes. Mais, même dans ce cas, les moyens mobilisés pour reconstituer ce potentiel de production risquent fort d’avoir été pris sur d’autres budgets, qui auraient probablement accru davantage la capacité productive de l’économie s’ils avaient servi, par exemple, à la mise au point de nouvelles technologies innovantes.

Pour que les catastrophes ne pèsent pas trop sur la croissance, il faut que les réparations soient financées à crédit, comme cela avait été le cas lors de la reconstruction de l’Allemagne après la Seconde Guerre mondiale. Dans le cas de Katrina, il n’en sera sans doute pas ainsi, compte tenu de l’état désastreux des finances publiques américaines après cinq ans de présidence Bush.

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