Discriminations : le ton monte d’un Cran

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La constitution d'un Conseil représentatif des associations noires marque une étape dans l'évolution de la société française.

Une soixantaine d’associations ont fondé, fin novembre, le Conseil représentatif des associations noires (Cran). Leur objectif est de mettre en avant sur la scène politique les discriminations spécifiques dont sont victimes les Noirs en France. Pour ses membres, on ne peut plus se cacher derrière les grands principes universalistes de la République pour ne rien faire face à ces discriminations (voir page 71). De Stéphane Pocrain, ancien porte-parole des Verts (qui a soutenu la démarche) à Patrick Lozès, membre de l’UDF (président du Cran), l’association rassemble des sensibilités politiques très diverses.

La situation de la société française est très ambivalente sur ces questions. Des discours hostiles aux immigrés en général, et aux Noirs et aux Maghrébins en particulier, s’expriment de plus en plus ouvertement dans le débat public. Sans parler des lois qui entendent prescrire aux enseignants de vanter les mérites de la colonisation française... Mais, dans le même temps, les discriminations sont aussi de plus en plus souvent rendues publiques et dénoncées, notamment grâce à des opérations de testing. Un nouvel arsenal de mesures anti-discriminations est mis en place, avec notamment la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité. Et c’est Yannick Noah qui a succédé à un fils d’immigré algérien (Zinedine Zidane) au poste de personnalité préférée des Français1. " On assiste à un double mouvement. D’un côté, un durcissement de certains discours identitaires ; de l’autre, une France qui essaie de réinventer une forme de cohésion nationale qui tienne compte de la diversité ", analyse Stéphane Pocrain.

Ne pas en oublier les inégalités sociales

Dans ce contexte, faut-il se méfier d’une logique de repli communautaire ? C’est bien en partie parce que la République ne tient pas sa promesse d’égalité que des associations se constituent pour défendre les intérêts de telle ou telle communauté, comme peuvent le faire par ailleurs des associations régionalistes, de défense des homosexuels ou des femmes. " On ne gagnerait rien à troquer la justice sociale contre les discriminations et faire émerger une élite noire. Il faut se battre dans les domaines de la santé, du logement ou de l’école, et le faire avec les autres mouvements sociaux ", prévient cependant Stéphane Pocrain. On compte peu de Noirs à l’Assemblée, mais on y compte encore moins d’ouvriers ou d’employés.

L’histoire américaine montre que, malheureusement, la discrimination positive sur une base communautaire peut servir d’alibi aux pouvoirs publics pour ne pas mettre en oeuvre des réformes économiques et sociales plus profondes. Accueillir quelques cadres noirs à grands renforts de publicité, comme le font actuellement certaines entreprises qui promeuvent la " diversité ", peut ainsi être une façon d’éviter de lutter contre la précarité ou l’absence de formation professionnelle en direction des moins qualifiés.

  • 1. Sondage du Journal du dimanche, 14 août 2005. Le troisième, Charles Aznavour, est d’origine arménienne !
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