Oeuvres économiques complètes et autres textes

par François Quesnay édités par Christine Théré, Loïc Charles et Jean-Claude Perrot. Ined, 2005, 2 vol., 68 euros chacun.

Les fans de François Quesnay (1694-1774) en seront ravis : l’Institut national d’études démographiques (Ined) vient de republier l’édition de 1958, devenu introuvable, des oeuvres philosophiques et économiques du médecin-économiste, agrémentée qui plus est de quelques inédits. Destin fabuleux pour ce fils et petit-fils de laboureurs, longtemps illettré, et qui deviendra un médecin en vue à la cour sous la protection de Madame de Pompadour, franc-maçon, et fondateur d’une école de pensée qui rayonnera quelques années en France et en Europe (Allemagne, Pologne), la physiocratie, du grec phusis (nature) et kratos (force).

Car pour Quesnay, il n’y a de richesse qu’agricole. C’est de la terre que part tout le fonctionnement de l’économie, comme il a voulu le montrer dans son oeuvre la plus célèbre, Le tableau économique, présent dans le premier volume, qui est une sorte de modèle de l’économie avant la lettre. Il y explique comment la richesse circule entre les trois grandes classes sociales qui fondent son approche, la classe productive (les agriculteurs), la classe des propriétaires (le Prince, l’Eglise, les propriétaires terriens) et la classe stérile (tous les actifs non agricoles). Qu’est-ce qu’un médecin spécialiste des saignées, des accouchements et des opérations allait faire dans le domaine de l’économie politique ? Voltaire notait que depuis 1750, les Français, rassasiés d’opéras, de comédies et de romans, se sont mis à raisonner sur les blés. Issu d’une famille agricole et sensible au sujet, Quesnay ne cherchait pas à construire un modèle imaginaire de l’économie, mais à publier ses réflexions sur les problèmes de son temps.

Bien qu’installé à Versailles, le médecin reste éloigné des intrigues de la cour et était en excellent terme avec le roi, rapporte Jacqueline Hecht, qui propose dans le deuxième volume une courte biographie. Le Dauphin se plaignant un jour devant lui que la charge de roi était bien difficile à remplir, Quesnay lui répondit " Monseigneur, je ne trouve pas cela ", " Et que feriez-vous donc si vous étiez roi ? ", " Je ne ferai rien ", répondit Quesnay, en adepte convaincu du libéralisme économique qu’il était.

La Chine étant alors à la mode, le physiocrate publie son Despotisme de la Chine, où il n’est pas question d’économie mais de politique : Quesnay y voit un modèle d’organisation politique propre à justifier ses positions sur la nécessité d’un despotisme éclairé. A ses yeux, l’autorité politique " ne doit pas être démocratique, parce que l’ignorance et les préjugés qui dominent dans le bas peuple, les passions effrénées et les fureurs passagères dont il est susceptible, exposent l’Etat à des tumultes, à des révoltes et à des désastres horribles ".

Quesnay avait le luxe autant en horreur que la démocratie. Toute dépense somptuaire représentait moins de dépenses pour acheter les produits de la classe productive et donc moins de richesse globale. Un raisonnement auquel il tenait, à tel point que, comme " dans les temps de deuil, il se débite plus d’étoffes de laine, et dans les autres temps il se débite plus d’étoffes de soie et de tissus d’or et d’argent ", les premiers sont préférables aux seconds...

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