Le grand Monopoly des OPA

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La multiplication des opérations de fusion-acquisition nourrit le choc des patriotismes économiques et aggrave la crise de l'Europe.

Mittal-Arcelor, Suez-Enel, E.ON-Endesa... C’est le grand retour des offres publiques d’achat (OPA). Un retour lié à la bonne santé boursière des entreprises, combinée à un faible niveau des taux d’intérêt, qui les poussent à s’endetter pour financer des rachats. Ces opérations recouvrent cependant deux dynamiques distinctes qui appellent des réponses politiques différentes. Dans le secteur industriel, les concentrations se jouent à l’échelle mondiale. Avec, du point de vue européen, la crainte surtout de voir partir des fleurons industriels affaiblis par le manque de dynamisme économique de la zone, même si ces entreprises sont souvent déjà très internationalisées, face à des acteurs ancrés dans des pays en forte croissance.

A cela s’ajoute l’asymétrie des règles du jeu : les règles très favorables aux actionnaires qui prévalent actuellement en Europe fragilisent les entreprises du Vieux Continent face à des entreprises américaines plus grandes et nettement mieux protégées contre les OPA. Sans parler évidemment des entreprises chinoises.

Mais c’est surtout ce qui se produit dans le secteur des services qui suscite le plus d’émotion. Dans ce domaine, il s’agit avant tout d’opérations intra-européennes. Treize ans après la mise en oeuvre du marché unique, la concentration des acteurs à l’échelle européenne connaît un coup d’accélérateur brutal dans les banques et l’énergie. En attendant sans doute la reprise des grandes manoeuvres dans les télécommunications. Incapables de s’entendre sur la mise en place de services publics ni de définir une politique industrielle en matière de services à l’échelle européenne, les Etats avaient choisi de s’en remettre au seul jeu des marchés pour structurer l’Europe de l’énergie, des télécommunications ou de la finance. Ils découvrent aujourd’hui que, laissé à lui-même, ce jeu est brutal, qu’il ne tient guère compte ni des intérêts des salariés ni de ceux des populations d’un territoire donné.

Du coup, les OPA actuelles aggravent encore la crise politique que traverse l’Europe car chaque pays entend défendre ses champions nationaux. Quitte à remettre en cause, plus ou moins ouvertement, les règles du jeu théoriquement admises par tous. Le choc des patriotismes économiques va-t-il achever de paralyser l’Europe ou peut-il, au contraire, contribuer au dépassement de l’Europe-marché ? Ce sera l’un des principaux enjeux des prochains mois.

OPA, le retour

Les entreprises françaises peuvent-elles tenir le choc ?

Les mésaventures du patriotisme économique

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