Que faire du FMI ?

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Rejeté par les pays du Sud et sans influence sur les pays du Nord, le Fonds monétaire international est en pleine crise existentielle.

Rien ne va plus pour le Fonds monétaire international (FMI). Il est censé aider les pays émergents à gérer des crises financières qui ont disparu. Il est aussi censé aider les pays les plus pauvres à gérer leur dette extérieure, mais elle a été théoriquement annulée. Il est enfin censé surveiller la bonne marche de l’économie mondiale, mais les grands pays, Etats-Unis en tête, n’ont rien à faire de ses avis. Bref, après avoir été tant diabolisée par les pays du Sud et les mouvements sociaux internationaux, voilà une institution qui, selon Mervyn King, le gouverneur de la Banque d’Angleterre, " pourrait s’enfoncer dans l’obscurité ".

Il arrive effectivement au Fonds monétaire ce qu’il peut arriver de pire à une entreprise : perdre ses clients. Ainsi, le Brésil et l’Argentine viennent de rembourser par anticipation les prêts qu’ils lui devaient et l’Indonésie a annoncé qu’elle ferait bientôt la même chose. Alors que l’encours total des prêts dépassait les 100 milliards de dollars en 2003, il est revenu à 36,6 milliards au 31 janvier dernier. Et si l’on ne considère que les programmes en cours (certains pays ne sont plus sous programme avec le FMI mais remboursent les anciens prêts qu’ils ont reçus), on tombe à 20 milliards de dollars début mars, dont 65 % pour la seule Turquie. L’équivalent d’un petit 5,6 % de l’ensemble des flux privés reçus par les seuls pays émergents l’an dernier ! Dans ces conditions, comment continuer de se faire entendre ?

Créé au sortir de la Seconde Guerre mondiale pour aider les pays à gérer un système de taux de changes fixes et encadrer les mouvements de capitaux internationaux, le FMI n’en est pas à sa première alerte. Il a déjà connu une crise existentielle au début des années 70, avec le passage aux changes flottants et la libéralisation financière. Il avait trouvé une deuxième jeunesse à partir du début des années 80 en imposant ses plans d’ajustement structurel* aux pays du Sud victimes de crises financières, soit à pratiquement tous en une vingtaine d’années. Mais avec des économies mieux gérées, des taux d’intérêt bas qui leur permettent d’emprunter à faible coût ou des cours de matières premières orientés à la hausse qui leur ramènent des devises, un grand nombre de pays du Sud vont mieux.

Crise de légitimité

Plusieurs voix proposent alors de transformer le FMI en une sorte d’agence de notation de la qualité des politiques économiques. Il deviendrait une source d’expertise indépendante des pouvoirs politiques, insiste Mervyn King, qui pourrait distribuer les bons et, surtout, les mauvais points aux gouvernements de la planète.

Ce rêve de banquier central serait en fait le meilleur moyen d’achever un FMI qui traverse une grosse crise de légitimité. Les pays émergents remboursent leur dette par anticipation pour échapper à une institution dominée par les pays du Nord, par des économistes arrogants et par une idéologie libérale à laquelle même les libéraux croient de moins en moins. Le FMI ne retrouvera sa crédibilité que si les pays émergents y gagnent du poids politique, si les ministres des Finances y imposent des compromis plus politiques que techniques et justifient régulièrement leurs choix devant leur Parlement.

Encours de crédits au 31 décembre de chaque année, en milliards de dollars

Un Fonds monétaire plus légitime pourrait d’ailleurs être utile. Car les sources potentielles de déséquilibres financiers internationaux pour plonger les pays du Sud dans la crise ne manquent pas : effondrement du dollar, forte remontée des taux d’intérêt, brusque ralentissement de la demande interne aux Etats-Unis (dont les exportations des émergents et les cours des matières dépendent beaucoup), explosion en vol de fonds spéculatifs aux risques mal contrôlés et qui investissent dans les Bourses émergentes, etc. Heureusement, le pire n’est jamais sûr...

* Plan d'ajustement structurel

politique économique visant à résorber les déficits, développer les exportations et libéraliser l'économie, au risque de casser la croissance.

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