Opinion

Le conflit, un préalable au dialogue social ?

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Jacques Freyssinet Economiste, président du conseil scientifique du Centre d'études de l'emploi

Le 4 mai 2004, le Parlement adoptait une loi relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social. L’exposé des motifs contient la phrase suivante : " Le gouvernement prend l’engagement solennel de renvoyer à la négociation sociale interprofessionnelle toute réforme de nature législative relative au droit du travail. " Mais avec la nomination de Dominique de Villepin, puis l’élection de Laurence Parisot à la présidence du Medef, s’est ouverte une période assez étrange de distanciation entre deux sphères de la régulation sociale.

D’un côté, la négociation interprofessionnelle est active, mais avec des résultats pour le moins mitigés. En juillet 2005, l’accord sur le télétravail transpose (avec trois ans de retard !) celui qui avait été passé au niveau européen. L’accord sur l’emploi des seniors n’accouche, sauf quelques déclarations générales d’intentions, que d’un " contrat à durée déterminée seniors ". Pour l’assurance chômage, l’accord pare au plus pressé et renvoie à 2006 la mise à plat du dossier. Les négociations sur la pénibilité ont du mal à progresser, comme celles sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. D’autres sont annoncées sur la " diversité ". Ce qui frappe, c’est que toutes ces négociations se sont déroulées ou se déroulent sans aucune mobilisation sociale significative, même pour l’assurance chômage (si l’on met à part le cas des intermittents du spectacle). Ceci n’est pas pour favoriser le rapport de force sur lequel pourraient s’appuyer les syndicats.

De l’autre côté, le gouvernement a choisi une méthode à la hussarde pour imposer une série de réformes profondes du droit du travail, par exemple l’exclusion des jeunes du calcul des effectifs pour les instances de représentation du personnel, la création du contrat nouvelles embauches (CNE) puis du contrat première embauche (CPE). Il semblait d’abord l’emporter sans coup férir, mais on connaît la suite... Refusant la négociation, il a récolté le conflit social. Cette fois, le rapport de force existe et une grande négociation est annoncée sur la sécurité des parcours professionnels.

Le diagnostic est douloureux. Seul un conflit social majeur impose une discussion sur le fond. Le conflit social est une forme nécessaire et positive d’exercice de la démocratie, mais doit-il être une condition préalable du dialogue social ?

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