Des riches aux petits oignons
Une cascade d'allègements fiscaux a largement profité aux catégories les plus aisées.
Heureux contribuables aisés, qui sont au centre de toutes les attentions. Si la consommation des ménages les plus riches a été particulièrement dynamique ces dernières années, on le doit en effet beaucoup aux nombreuses mesures fiscales prises en leur faveur. Les gouvernements de Jean-Pierre Raffarin et de Dominique de Villepin n’ont pas initié une telle politique. Elle avait été amorcée par Alain Juppé entre 1995 et 1997. Lionel Jospin, lui-même, avait pris plusieurs mesures en ce sens, surtout après 2000 lorsque Laurent Fabius était ministre des Finances. Mais depuis 2002 on a changé de braquet.
D’emblée, la loi de finances rectificative pour 2002 avait diminué l’ensemble du barème de l’impôt sur le revenu de 5 %. Puis la loi de finances 2003 de 1 % et celle de 2004 de 3 %. Des mesures qui profitent surtout à ceux qui paient le plus d’impôts : selon la Cour des comptes, en 2004, les 3 % des contribuables les plus favorisés avaient récolté 45 % de la baisse d’impôt totale résultant de la modification du barème. Ces différentes baisses cumulées (y compris celles mises en oeuvre sous Lionel Jospin) ont engendré une perte de recettes fiscales d’environ 60 milliards d’euros sur la période 2000-2006, selon le Syndicat national unifié des im pôts (Snui), soit quasiment l’équivalent de l’ensemble du budget annuel de l’Education nationale !
Des niches bien pratiques
En parallèle, différentes " niches " fiscales ont été créées et/ou élargies : ces mesures ciblées réduisent notablement la note des catégories les plus aisées. Classique du genre : l’emploi de personnel à domicile. Les sommes ainsi dépensées sont déductibles pour moitié de l’impôt sur le revenu, avec un plafond. Celui-ci a été relevé de 6 900 à 12 000 euros1 entre 2002 et 2005. Coût pour le budget de l’Etat : plus de 5 milliards d’euros, de quoi doubler le revenu minimum d’insertion...
D’autres niches sont moins connues parce qu’encore plus ciblées, mais elles peuvent être fiscalement encore plus intéressantes. En 2004, le plan d’épargne retraite populaire (Perp) est créé. Les cotisations versées sont déductibles des revenus et entraînent une économie d’autant plus importante que les revenus sont élevés. Impact : près de 1 000 euros pour un versement de 2 000 euros pour un contribuable imposé au taux le plus élevé. Les investissements dans les DOM-TOM n’ont pas été oubliés non plus, avec là aussi des plafonds de réductions plus avantageux.
Dans le domaine de l’investissement logement, l’abattement " de Robien " créé par la loi de finances 2004 permet de déduire de l’impôt une partie importante du montant investi dans un logement locatif. Les conditions qu’il impose au bailleur sont beaucoup moins restrictives, notamment sur le niveau des loyers, que le dispositif préexistant, le " Besson ". Autre mesure significative : le " bouclier fiscal " mis en place cette année. Le principe : la somme des impôts locaux payés au titre de la résidence principale, de l’impôt sur la fortune (ISF) et de l’impôt sur le revenu ne peut excéder 60 % des revenus annuels. C’est un bonus de 400 millions d’euros pour une centaine de milliers de familles, selon le Snui.
Une aubaine pour les patrimoines
En matière de fiscalité sur le patrimoine, la droite n’a officiellement jusqu’ici pas touché à l’ISF, un sujet politiquement trop sensible, mais le bouclier fiscal et plusieurs mesures plus techniques permettent d’adoucir la note pour les plus aisés. Ainsi, depuis 2003, certaines participations minoritaires dans des entreprises peuvent être considérées comme des biens professionnels, et donc exclues de la base de l’ISF.
La réforme de la fiscalité des successions a également été une aubaine pour les patrimoines les plus élevés2. En 2003, les droits pour les donations en pleine propriété ont été réduits de 50 % (jusqu’au 31 décembre 2005) : coût du cadeau, 840 millions d’euros en trois ans. En 2005, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Economie, a mis en place un abattement de 50 000 euros sur l’ensemble des successions en ligne directe, et augmenté l’abattement spécifique à chaque enfant ou au conjoint survivant. En même temps, une mesure d’exonération temporaire des donations à hauteur de 30 000 euros a été instaurée jusqu’au 31 décembre dernier. Facture : 120 millions d’euros en moins pour le budget de l’Etat pour 2005. Par ailleurs, le délai pour pouvoir renouveler un don de 50 000 euros à chacun de ses enfants sans avoir à verser de droits de succession est réduit de 10 à 6 ans. En six ans, un couple ayant deux enfants peut donc désormais transmettre 200 000 euros de patrimoine sans payer de droits. Il ne reste en fait plus grand-chose à faire pour supprimer complètement les droits de succession, comme le propose d’ailleurs Nicolas Sarkozy pour les élections de 2007...