Prisons : la parole des détenus

3 min

Détenus, gardiens, avocats... sont invités à répondre à une vaste enquête sur la condition pénitentiaire en France.

C’est une consultation sans précédent. Les 60 000 personnes détenues dans les prisons françaises (35 % de prévenus et 65 % de condamnés) ont reçu un questionnaire portant sur l’ensemble des aspects de la vie en détention. 36 questions au total sur leur appréciation de la situation et les actions à mener pour l’améliorer.

L’état scandaleux du système carcéral français est régulièrement dénoncé. En 2000, une commission d’enquête sénatoriale allait même jusqu’à titrer son rapport : " Prisons : une humiliation pour la République ". Sans que rien ne bouge réellement depuis. En février dernier, le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Alvaro Gil-Robles, pointait encore du doigt " la surpopulation [116 détenus pour 100 places avec des pics à plus de 200 dans certaines maisons d’arrêt !] et le manque de moyens nécessaires au fonctionnement de la plupart des établissements ".

La consultation qui s’ouvre a été lancée par les Etats généraux de la condition pénitentiaire, qui regroupent une dizaine d’organisations, dont l’Observatoire international des prisons (OIP), des syndicats, etc. sous l’égide de l’ancien garde des Sceaux, Robert Badinter. " En totale indépendance du ministère de la Justice et de la direction de l’administration pénitentiaire ", qui en ont juste " accepté le principe et les conditions ". Les délégués du médiateur de la République se sont rendus dans les prisons pour remettre les questionnaires aux détenus, qui ont jusqu’au 31 juillet pour les remplir de manière anonyme. Des cahiers de doléances seront ensuite remis aux pouvoirs publics et aux candidats à l’élection présidentielle, mi-novembre.

Les gouvernements hors sujet

Exemples choisis parmi les questions posées : faut-il " interdire le travail à la pièce en prison ", " permettre un accès permanent à un service de dialogue et d’écoute ", " développer le recours au contrôle judiciaire comme alternative à la détention provisoire ", etc. ? Les 23 000 agents de l’administration pénitentiaire, les 25 000 intervenants (travailleurs sociaux, etc.), les 8 500 magistrats, les 45 000 avocats et les familles des détenus sont également invités à répondre au questionnaire, sur Internet.

Depuis 1986, la seule réponse des gouvernements à la dégradation de la situation des prisons a été de construire de nouvelles places. Mais alors que la capacité d’accueil a quasiment été doublée, le taux de densité carcérale n’a pas diminué, sous le double effet de l’augmentation du nombre de détenus et de la longueur des condamnations. Quant à l’aménagement de peines en milieu ouvert, il reste encore marginal (900 condamnés sous surveillance électronique et 300 placés à l’extérieur sans hébergement). " Prétendre répondre à la surpopulation par l’augmentation du parc pénitentiaire sans aucune remise en question du recours à l’incarcération constitue une imposture ", martèle l’OIP. La parole des détenus, absents du débat jusqu’alors, aura-t-elle plus de poids que tous les précédents rapports ? Cette consultation est en tout cas, explique l’OIP, " la condition moderne d’élaboration d’une réforme."

À la une

Laisser un commentaire
Seuls nos abonnés peuvent laisser des commentaires, abonnez-vous pour rejoindre le débat !
Sur le même sujet
Foo Enquête 1/4
Prisons

Enquête sur l'enfer carcéral au temps du Covid

Margot Hemmerich