Les temps glorieux des affichistes : biens durables et vacances pour (presque) tous

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A côtés des produits alimentaires et des boissons, éternelles vedettes de l'affichage publicitaire, l'électroménager et l'audiovisuel, plus que l'automobile, sollicitent l'imagination des affichistes dans une féroce concurrence entre marques.

Fer de lance de l’expansion, la publicité ", titre une affiche de Savignac de 1968 où un coq tricolore coiffé d’un heaume de chevalier charge, lance en avant. Et l’expansion s’appuie sur le boom de la consommation, en particulier de biens durables. Un boom permis par la redistribution des gains de productivité et la hausse des salaires réels multipliés en moyenne par 2,5 entre 1950 et 1973.

Et même si les pauvres sont encore nombreux, en particulier chez les retraités et les Smicards, si les inégalités ne se réduisent guère, la confiance dans l’avenir est là et la majorité des milieux populaires peut se payer des biens auparavant inaccessibles. En 1975, les trois quarts des logements ont désormais une salle d’eau ou de bain, avec eau chaude, contre 5 % au sortir de la guerre ; dans le même temps, la proportion des ménages équipés d’un réfrigérateur passe de 3 % à 91 %, d’un lave-linge de 5 % à 72 %, d’une voiture de 15 % à 70 %. La dernière vedette, c’est la télévision : 13 % des foyers en ont acquis une en 1960, déjà 60 % en 1968 après l’apparition de la deuxième chaîne en 1964 et de la couleur en 1967.

Les marques se jettent avec avidité sur un tel marché en expansion, pour le stimuler encore et encore, dans une concurrence de tous les instants : Laden, Kelvinator, Frigeavia, Frigeco, Bendix sollicitent les meilleurs dessinateurs du moment : Savignac, Morvan, mais aussi Jean Colin (1912-1982), autre artiste en verve à ne pas confondre avec PaulColin, qui réalise des affiches sur le thème : " On n’est plus en 1900, vous avez l’eau, vous avez l’électricité ", et c’est bien cela qui permet de s’équiper !

Dans ce monde d’hommes, deux femmes se font une place avec des dessins pleins de fantaisie : Marie-Claire Lefort et Marie-Francine Oppeneau. Elles réalisent, dans les années 60, sous le nom de Lefor-Openo, des affiches pour EDF, mais aussi pour des marques d’électroménager. Avec l’explosion de la vente de postes à transistors, d’électrophone puis de téléviseurs, des marques comme Océanic, Ribet-Desjardin, Ducretet-Thomson, Blaupunkt, Téléavia, Radiola ou Philips disputent aux machines à laver les couloirs de métro et les emplacements Giraudy, Dauphin ou Avenir-Publicité.

Philips, 1962, 120 x 163 cm. Anonyme

Voilà le type même de l’affiche platement informative. Philips, marque néerlandaise, défend de fortes positions sur le marché français, positions encore renforcées par la mise en place, depuis quatre ans, du Marché commun entre les six Etats dont les drapeaux flottent au vent.

Philips, 1962, 120 x 163 cm. Anonyme

Voilà le type même de l’affiche platement informative. Philips, marque néerlandaise, défend de fortes positions sur le marché français, positions encore renforcées par la mise en place, depuis quatre ans, du Marché commun entre les six Etats dont les drapeaux flottent au vent.

Et peu avant l’été, ce sont les publicités liées aux vacances qui tiennent le haut de l’affiche : les années 60, avec la troisième semaine de congés payés octroyée en 1956 et bientôt quatre dans les grandes entreprises, sont celles de la montée en puissance du tourisme populaire, en particulier du camping.

La pub gagne en vitesse sur la route

Quant aux moyens de transports, si la publicité pour la " petite reine " a fait son temps, Velosolex, " la bicyclette qui roule toute seule ", confie à Hervé Morvan et surtout à René Ravo ses campagnes publicitaires. Ce n’est pas le cas des constructeurs automobiles, qui ne sont guère demandeurs d’affiches dessinées, à quelques exceptions près, telle celle de Savignac pour la Renault 4. André François, artiste peintre, sculpteur et affichiste au graphisme puissant, s’étonne de recevoir une commande de Citroën en 1960, car on imagine mal à l’époque une affiche vantant une automobile " sans photo ". Mais Citroën a fait le choix de l’originalité, et la marque est servie ! Pour présenter la " suspension hydropneumatique " du constructeur, François dessine un poisson bleu auquel est attaché un ballon rouge...

Plus que les voitures, ce sont cependant les marques de carburants et d’huiles pour moteur qui s’affichent sur le bord des routes : Supershell contre Mobiloil ou Longlife de BP. Car le long des routes, l’affiche se porte bien. Dans les années 60, l’aménagement des grands axes routiers et des sorties de villes, avec les premiers centres commerciaux, fournit de nouveaux espaces. En 1970, l’affiche représente encore 7 % des dépenses publicitaires en France, très loin derrière la presse (43 %), mais à peu près au même niveau que la radio et la télévision, alors qu’elle est très nettement en perte de vitesse en Allemagne (1,3 %) ou aux Etats-Unis (1,7 %).

Le camping, c’est Trigano, 1960, 124 x 168 cm. Anonyme

Gilbert Trigano, devenu PDG du Club Méditerranée en 1963, est d’abord spécialisé dans les tentes et le matériel de camping. Son slogan, tout simple, mais martelé sans cesse, finit par prendre. Pour séduire une clientèle familiale, il cherche à imposer une mascotte : un petit chien. Le voilà ici en tambourinaire, au moment où cette fonction est en train de disparaître.

Le camping, c’est Trigano, 1960, 124 x 168 cm. Anonyme

Gilbert Trigano, devenu PDG du Club Méditerranée en 1963, est d’abord spécialisé dans les tentes et le matériel de camping. Son slogan, tout simple, mais martelé sans cesse, finit par prendre. Pour séduire une clientèle familiale, il cherche à imposer une mascotte : un petit chien. Le voilà ici en tambourinaire, au moment où cette fonction est en train de disparaître.

Mammouth écrase les prix, 1975, 163 x 123 cm. Anonyme

Un slogan plutôt lourd, mais que l’on mémorise. La publicité par les prix n’est pas du tout présente chez les grands affichistes. Après les supers, les hypermarchés commencent à envahir l’espace périurbain. L’affiche, placardée sur le bord d’une route, renvoie à l’automobiliste vacancier sa propre image.

Mammouth écrase les prix, 1975, 163 x 123 cm. Anonyme

Un slogan plutôt lourd, mais que l’on mémorise. La publicité par les prix n’est pas du tout présente chez les grands affichistes. Après les supers, les hypermarchés commencent à envahir l’espace périurbain. L’affiche, placardée sur le bord d’une route, renvoie à l’automobiliste vacancier sa propre image.

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