Journal of institutional economics, vol. 2, n°1

Journal of institutional economics éd. Cambridge University Press, 2006, 10$.

Lancé l’an dernier à l’initiative du Britannique Geoffrey M. Hodgson, le Journal of Institutional Economics (JOIE) cherche à s’imposer comme l’un des lieux du renouveau de la pensée économique sur les institutions.

Acceptant " les contributions rigoureuses et utiles de n’importe quelle discipline et école de pensée ", selon l’éditorial de son premier numéro, la revue attire plus par les sujets qu’elle choisit que comme lieu de construction d’une alternative à l’économie dominante.

Le numéro d’avril dernier en est une bonne illustration. Il s’ouvre sur un article méthodologique du professeur John B. Davis, de l’université d’Amsterdam, sur la disparition progressive de la théorie néoclassique comme outil conceptuel dominant de la science économique. Un " pluralisme mainstream " tendrait à la remplacer, assis sur l’importance croissante prise par la théorie des jeux, importée des mathématiques, l’économie comportementale (behaviouralism), inspirée de la psychologie, et l’économie expérimentale, issue de plusieurs sciences dures.

Aucune des trois approches n’est vraiment définie, non plus que les caractéristiques qui permettent de montrer en quoi elles représentent un éloignement ou un raffinement de l’économie néoclassique. Néanmoins, l’article est l’occasion de ne pas considérer l’approche néoclassique comme allant de soi, mais d’affirmer, comme le fait son auteur, la nécessité de réfléchir à la dynamique des idées en économie et de tenter de repérer les moments de rupture, d’évolution ou d’affaissement des approches dominantes.

Le dernier article du numéro, une réédition d’une contribution de l’économiste allemand Werner Sombart (1863-1941), réhabilite quant à lui la nécessité de faire de l’histoire de la pensée économique, une discipline trop souvent délaissée dans les formations actuelles des économistes.

Professeur d’économie à l’université de Berlin, admirateur critique de Marx, un temps tenté d’accepter la montée du nazisme par ferveur nationaliste, Sombart est l’un des représentants de la " jeune école historique allemande ", s’opposant comme il se doit à la " veille école historique allemande " du XIXe siècle, qui professait l’inutilité des théories pour défendre les approches purement empiriques.

Sombart affirme que la théorisation est le préalable à toute étude historique, que les faits n’existent pas en eux-mêmes, " ils sont comme des perles, ils ont besoin d’un fil pour les faire tenir entre eux, pour les relier ". Les théories économiques sont des fils possibles. Les historiens ne les connaissement pas, ce qui les conduit à parler d’économie sans la comprendre, explique Sombart. Ce n’est pas de leur faute mais de celle des économistes, poursuit-il, dont les théories sont copiées sur les sciences dures, ce qui les amène à rechercher des principes économiques valables en tout temps et en tout lieu, sans tenir compte des forces historiques en présence et de leur diversité dans le temps et l’espace. La périodisation de l’évolution des systèmes productifs et la naissance du capitalisme moderne restent d’ailleurs les travaux les plus connus de Sombart (Le capitalisme moderne, publié en six volumes en 1902). Un siècle après, les questions posées par Sombart restent toujours d’actualité...

Dans le restant de ce numéro, on trouve un autre axe essentiel du positionnement de la revue : l’appel à des disciplines différentes. Ainsi, le professeur Christopher May, issu de l’économie politique internationale britannique, propose-t-il une lecture originale d’ouvrages analysant les évolutions récentes des droits de la propriété intellectuelle. Il souligne les insuffisances explicatives des approches contemporaines, qu’elles mettent l’accent sur le rôle des forces du marché (William Landes et Richard Posner) ou sur la promotion de ses intérêts commerciaux par une classe dominante transnationale portée par les Etats-Unis (Donald G. Richards).

En refusant de s’enfermer dans telle ou telle discipline ou dans une chapelle de l’une d’entre elles, la revue gagne en liberté de thème et en diversité analytique. Même si son éclectisme est parfois troublant et peine à construire de nouveaux repères.

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